IANOS X CHRONOPASSION : MIHANIKOS L'histoire des pêcheurs d'éponge

Vous le voyez le paysage grec se dessiner ? Au-delà d’un simple nom qui sonne comme une douce mélodie bercée par les vents des Cyclades, le concept va un peu plus loin. J’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter la récente marque de montre Ianos et une collaboration qui m’a beaucoup plu en particulier : celle de la marque avec le célèbre magasin de Laurent Picciotto Chronopassion. Voici la Ianos x Chronopassion Mihanikos.

Retournons un instant dans nos cours de latin et grec. Avez-vous souvenir de Janus, cette divinité à double visage ? En effet, Janus est le dieu romain des commencements et des fins, mais aussi et surtout, du passage. S’il a deux visages, c’est que l’un est tourné vers le passé, et l’autre vers l’avenir. Et je peux même vous dire que si le premier mois de l’année s’appelle Janvier, c’est un peu grâce à lui. Janus pourrait aussi être un dieu abstrait du temps à la manière du dieu grec Chronos. Vous allez donc comprendre le rapport avec les montres.

Quoi qu’il en soit Janus en grec se dit Ianos et Jacob Hatzidimitriou, le créateur de la marque, a décidé d’insuffler tout le poids de l’héritage de ce dieu dans ses montres. Un héritage qui comprend évidemment un volet maritime, mais aussi un juste milieu entre héritage horloger et futur de l’horlogerie. Son premier modèle présenté en 2019 se prénommait Avyssos (les abysses en grec) et proposait un design assez étonnant pour une montre de plongée, avec une inspiration des premiers pêcheurs d’éponges grecs. Un peu plus tard en 2021, Ianos présentait sa Mihanikos, avec la même idée des pêcheurs aux éponges, mais contemporains de l’industrialisation de la commercialisation d’éponges, et s’ils plongeaient avec une montre aujourd’hui. Une façon de faire un lien type “Janus” entre le passé et l’avenir. Une plongeuse résolument plus contemporaine dans son esprit, ses textures et matériaux. La Mihanikos fait référence à l’île de Kalymnos, réputée par le passé pour ses plongeurs téméraires d’éponges équipés de scaphandres, d’où le terme “mécanique” ou Mihanikos en grec.

Laurent Picciotto, de son côté, l’avait commandée lors de son lancement, d’où la naissance de ce projet entre les deux personnalités, et entités par la suite. L’édition Chronopassion, si elle reprend évidemment la structure de la Mihanikos, en a changé quelques aspects.

C’est le gris qui donne le La. Cette édition spéciale Chronopassion présente en effet à la différence du modèle de série un cadran gris qui reprend la tonalité de la boite et de la lunette, conjugué avec des aiguilles noires. On a plaisir à retrouver un cadran à la petite ouverture mais présentant pour autant des caractéristiques relativement démesurées. À savoir de larges index luminescents façon goutte d’eau en relief et sans cerclage, une date à midi encerclée dans un large index, et surtout une petite seconde qui reprend la forme si caractéristique des roues servant à actionner la pompe à air vitale au scaphandrier. Petit supplément d’âme une fois l’obscurité, un petit point luminescent sur cette petite seconde vient apporter un joli détail de nuit.

Le boitier en acier, étanche à la pression de 30 BAR (pratique pour récolter les fameuses éponges) est assez imposant par ses 43 millimètres de diamètre, mais les proportions sont agréables grâce à une lunette large (120 clics) à la texture qui fait d’ailleurs à mon avis la signature visuelle de cette plongeuse. Un motif qui d’ailleurs est décrit par Ianos comme étant présent pour renforcer le caractère utilitaire de la pièce. Je préfère y voir les motifs de l’éponge ! Mais l’ensemble boitier, avec sa carrure et sa lunette, a clairement été pensé pour faire référence à la structure du masque de scaphandrier et son ouverture réduite.

Il y a un détail qui nous a aussi beaucoup plu et qui se rapporte au bracelet. Ici proposé en caoutchouc (aussi une version cuir) et en une pièce, un sillon a été creusé dans le fond de boite pour ne pas ajouter d’épaisseur, ce qui est visuellement très agréable et bien rigoureux.

Tous les jolis détails nous feraient presque oublier de parler de ce qui fait tourner la petite seconde, à savoir un mouvement mécanique à remontage automatique Sellita 360 – 1 délivrant la réserve de marche de 42 heures environ.

Cette Ianos Mihanikos réalisée en collaboration avec Chronopassion est proposée au prix de 2.900€ dans une série limitée de 30 exemplaires numérotés, et il reste très peu de montres d’après ce que Jacob m’a dit, moins de 5 ! Une pièce qui nous a séduit, car il est rare de voir une plongeuse, à l’origine montre outil, partir ici sur des divergences esthétiques autour de la plongée grecque d’éponges et les premiers scaphandriers. Je dois dire que l’oeil est attiré, et les détails soignés, sans en faire trop non plus. Pour le reste, les goûts et les couleurs !

Au fait, aviez-vous remarqué les inscriptions grecques sur le rehaut ? Histoire de “pousser la chanson”, Ianos y a fait inscrire les mots d’un chant typique grec de l’île de Kalymnos :

Η ΜΗΧΑΝΙΚΟΣ ΘΑ ΓΙΝΩ Η ΣΤΟΝ ΑΜΜΟ Θ’ ΑΠΟΜΕΙΝΩ ΚΙ ΑΝ ΠΕΘΑΝΩ ΜΗ ΜΕ ΚΛΑΨΕΙΣ ΜΕΣ ΣΤΟΝ ΑΜΜΟ ΝΑ ΜΕ ΘΑΨΕΙΣ

Il serait difficile de les traduire parfaitement mais ces paroles, accompagnées d’une danse typique de l’île de Kalymnos où l’éponge était le principal revenu au 19e siècle, racontent la vie d’un habitant plongeur de l’île qui dirait qu’il préfère mourir plutôt que de ne pas plonger, et que si la mort venait l’emporter il voudrait être enterré dans le sable. La danse est aussi très imagée avec à tour de rôle des hommes très affaiblis avec leur canne ou très heureux car ils recouvrent leur santé d’antan. Pas très gai je vous l’accorde, mais très représentatif de la mentalité de ces fous des éponges de la petite île grecque, dont la réputation et les qualités de plongeurs ont fait le tour du monde.