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Mercedes-Benz E60 AMG

Mercedes-Benz E60 AMG Dominer les tabous

Exclusive, transgressive, jouissive : la version AMG E60 Limited de la Mercedes-Benz W124 ne laisse pas indifférent. A condition de savoir la reconnaître. Sous ses faux airs de berline bourgeoise se cache une sportive pure, construite à 12 exemplaires seulement.

Quel homme d’affaire pressé (et fortuné) n’a rêvé de disposer, sur terre, d’un engin aussi rapide et sophistiqué qu’un jet privé dans le ciel, mais sans se faire remarquer ? Pour les quelques privilégiés capables de doubler la mise de départ, le préparateur AMG a imaginé dans les années 90 une solution détonante, en métamorphosant en machine de course quelques exemplaires d’une paisible berline de gamme intermédiaire.

Mercedes-Benz avait placé sa série W124 sous le signe de l’innovation. Voilà qui tombait bien. Lors de la présentation à Séville, en novembre 1984, de sa nouvelle génération de berlines de classe moyenne, toujours dessinées par Bruno Sacco, le constructeur allemand prenait pour mot d’ordre : « Le progrès fait la différence ». Cette définition atteindra sa plénitude en décembre 1990 lorsque la marque de Stuttgart dévoile la 500 E, sa première voiture « Mittelklasse » équipée d’un moteur V8 de plus de 320 chevaux. C’est en fait chez Porsche qu’a été développé cet hybride, adoptant la silhouette à la routière favorite des chauffeurs de taxis mais empruntant son principe de motorisation aux meilleures sportives du moment.

Mercedes-Benz E60 AMG Limited - Crédit : Roman Raetzke

Transgresser les règles

Bien entendu, l’idée de greffer un moteur puissant et sportif sous le capot d’une voiture à quatre portes n’est pas nouveau. De Bugatti à la fin des années 30, avec son type 57 Galibier, à Bentley avec sa Turbo R, en passant par les Bristol 405, Lagonda Rapide puis V8, Maserati Quattroporte, Monteverdi 375, De Tomaso Deauville, ou, bien sûr, les Jaguar MK2 puis XJ 12, l’exercice a connu diverses déclinaisons intéressantes. Mais il s’agissait-là de modèles prestigieux ou exotiques, même si, pour certains, ils sont des plus confidentiels.

Dans tous les cas, ces modèles ne passent pas inaperçus. Si son V8 32 soupapes de 5,0L de cylindrée, emprunté à la 500 SL, lui permet de venir jouer dans la cour des grandes – sans faire d’ombre, du moins officiellement, aux V12 des 600 SL et SEL – la Mercedes-Benz 500 E (devenue E 500 à partir de 1993) offre tout de même un contre-pied car elle n’est pas née en limousine de luxe. Ses réelles concurrentes à l’époque n’étaient évidemment ni la BMW 750iL ni Lexus LS400, mais bien la redoutable BMW M5 ou les pointues Alpina B10 Bi-Turbo, mais aussi la Lancia Thema 8.32 à moteur Ferrari, la Jaguar XJR V12 6,0L préparée par TWR, ou la Lotus Carlton, une extrapolation très musclée de l’Opel Omega. Une débauche mécanique appliquée à des modèles de série aux apparences nonchalantes qui donnera un genre à la production automobile du milieu des années 90. Même Renault se frottera à l’exercice, non sans mérite, avec la Safrane Biturbo. Mais dans sa catégorie, c’est la Mercedes 500E qui va s’imposer comme une référence, en franchissant les tabous. Derrière l’austère rigueur de la grande routière se cache en secret une sportive dévergondée. Un pari réussi, d’ailleurs, puisque la firme allemande en produira plus de 10 000 exemplaires.

L’histoire prend un tour nettement plus exclusif en 1993, lorsque 12 voitures spécialement revues et corrigées par les ingénieurs d’AMG sont assemblées dans les ateliers d’Affalterbach afin de satisfaire les demandes de quelques clients aussi exigeants que fortunés.

Assemblage méticuleux, finitions rigoureuses, mise au point exemplaire, performances hors du commun : ces E500 très particulières ont tout pour assouvir les fantasmes de vitesse en toute discrétion puisque la cylindrée de leur V8, portée de 5 à 6 Litre, permet au moteur de dépasser les 380 chevaux. Ce cocktail épicé fera recette puisque, à la suite du succès d’estime propagé par les 12 premiers exemplaires de la série limitée initiale (rebaptisés de manière apocryphe « E60 Limited »), AMG acceptera de transformer 126 autres E500 en E60.

AMG : les maîtres de la puissance

Indéniablement, AMG signe avec la E60 Limited une création qui doit être regardée comme un archétype de son art : le transfert des technologies du sport automobile aux berlines Mercedes. En effet, l’atelier spécialisé, fondé en 1967 dans un ancien moulin de Burgstall, près de Affalterbach, dans la province allemande du Bade-Wurtemberg, par Hans Werner Aufrecht et Erhard Melcher. Ils sont le « A » et le « M » de AMG. Pourquoi « G » ? Simplement pour rappeler le nom de Großaspach, la ville natale de Hans Werner Aufrecht.

Mercedes-Benz E60 AMG Limited - Crédit : Roman Raetzke

Les deux jeunes ingénieurs mécaniciens se sont fait repérer lors des 24 Heures de Spa en 1971, où la 300 SEL 6,8L (tiens, une autre longue auto à quatre portes…) qu’ils ont concoctée fait merveilles. A partir de là, les deux sorciers vont distiller leur potion magique au compte-gouttes. Le succès sera vite au rendez-vous et la petite entreprise connaîtra la croissance et la prospérité, au point de signer ses premiers contrats officiels avec Mercedes-Benz en 1993, avec la C36 AMG, puis d’être absorbé par le constructeur en 2005, pour devenir une griffe spéciale au sein des gammes et même développer des modèles spécifiques ou intervenir en Formule 1.

Un fantasme débridé

En 1993, lorsque sortent, un à un, les 12 exemplaires initiaux de la E60 Limited, AMG est déjà une signature reconnue. A cette époque, les amateurs fortunés considèrent la préparation et la personnalisation comme un signe de distinction, au même titre que dans les années 30 il convenait de se distinguer par le choix d’un carrossier. Il faut bien comprendre que les années 90 marquent une étape particulière en matière de philosophie automobile. Tout semble possible. Rien ne paraît interdit. En effet, les mentalités de l’époque sont encore ouvertes à toutes les audaces. Les frilosités sécuritaires ou moralisatrices n’ont pas encore sclérosé les esprits, tandis que la performance technique rend tout projet réalisable.

Mercedes-Benz E60 AMG Limited - Crédit : Roman Raetzke

Si le rêve de vitesse pure de l’avant-guerre butait encore sur les rebuffades de mécaniques capricieuses, le désir de puissance dominatrice des années 90 pouvait s’appuyer avec confiance sur la qualité des matériaux ou de l’électronique. La E60 Limited de AMG pouvait enfin tenir la promesse esquissée par la trop rare Mercedes 540 K « Autobahnkurier » de 1936 : dévorer l’asphalte des autoroutes germaniques, heureusement épargnées par le carcan absurde des limitations de vitesse.

Au volant : gourmandise et fermeté

L’actuel propriétaire de cette véritable AMG E60 Limited de la série inaugurale, découverte au cœur de la collection d’Asphalt Classics, s’en montre d’ailleurs gourmand lorsqu’il détaille, sur le ton de la confidence, le « plaisir de pouvoir se lancer pour de longues distances à vive allure, sans jamais dévier de sa trajectoire, tout en poursuivant avec ses passagers une conversation à voix feutrée ». Tout y est : la E60 Limited est aussi efficace que sensuelle. Mais il ne faut pas s’y tromper, la forme d’érotisme auquel invite cette désirable machine s’exerce sans docilité. La grande Allemande doit être dominée. En effet, solidement campée sur des pneumatiques de 17 pouces, avec sa direction franche, son amortissement plus que ferme, son freinage mordant et ses accélérations qui donnent des coups de fouet, la E60 Limited est vouée à la précision plus qu’à l’agilité, à la puissance plus qu’à la finesse.

« Les commandes sont fermes et les poussées sont celles d’un TGV » assure le propriétaire de ce magnifique exemplaire acquis initialement par un important homme d’affaire luxembourgeois. Les connaisseurs de la marque reconnaîtront immédiatement la sensation procurée par cette pédale d’accélérateur si typique des Mercedes de l’époque : en début de course, la puissance est délivrée à doses homéopathiques, avant que la cavalerie ne charge franchement, donnant à la voiture du coup de reins.

Un plaisir tarifé

Un plaisir toujours tarifé au prix fort puisque, officiellement, la cote de ce modèle s’établirait aujourd’hui au-dessus de 150 000 euros. Une valeur assez théorique puisque les transactions sont peu fréquentes, non seulement au regard du très petit nombre d’exemplaires produits, mais aussi parce que les collectionneurs avertis ayant la chance de posséder l’une des 12 voitures ne sont que rarement prêts à s’en séparer. En revanche, il n’est pas impossible de trouver une E60 AMG. Un bel exemplaire sera par exemple proposé à la vente le 21 mars prochain par Gautier Rossignol, aux commandes du département automobile de la maison de ventes aux enchères Aguttes.

Dans tous les cas, l’amateur désireux de rouler en AMG E60 Limited doit affronter deux défis de taille : trouver un exemplaire puis tenter de conserver son permis de conduire.

Merci à Asphalt Classics pour les informations cruciales sur cette folle automobile, et à Roman Raetzke pour les beaux clichés.

Mercedes-Benz E60 AMG Limited - Crédit : Roman Raetzke

Une réponse à “Mercedes-Benz E60 AMG”

  1. Di dit :

    Quelle plume, quel plaisir de vous lire.
    J’ai eu à l’époque, modestement, deux 250D et vous venez de me rajeunir.
    Votre évocation de cet état d’esprit, de ces libertés désormais perdues aurait pu attrister mais votre conclusion pose un agréable sourire. Optimiste toujours.
    Félicitations et surtout merci.
    Cordialement
    Di

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