HONDA NSX Une inventivité débridée
Plaisir de conduite traditionnel et haute technologie futuriste : la Honda NSX est un concentré de ce qui fait l’âme singulière du Japon. Une sportive infaillible qui a durablement influencé les GT modernes.
En 1991, à quoi jouiez-vous ? Hadrien avec ses voiturettes, probablement, quelques années seulement avant de prendre les commandes d’une Honda NSX sur Gran Turismo avec une Playstation. Cette année-là, si Mylène Farmer était « Désenchantée », Bryan Adams susurrait tendrement « Everything I Do, I Do it for You » et Nirvana commençait son ascension vers la gloire. Mikhaïl Gorbatchev venait de mettre un terme à la guerre froide, mais les hostilités commençaient dans le Golfe. Au cinéma, il n’était pas interdit d’avoir peur devant « Le Silence des Agneaux », ou de suivre la cavale de « Thelma et Louise ». Sur le petit écran, le débrouillard MacGyver faisait un carton. A la ville, l’acteur principal de la série, Richard Dean Anderson faisait sensation au volant de sa Honda NSX.
Une star, de la Silicon Valley à Hollywood, en passant par Suzuka
Elle en a fait tourner des têtes, cette exotique voiture de grand tourisme moderniste aux performances sensationnelles. A Hollywood, elle devient un phénomène chez les stars. Les acteurs Harrison Ford, Michael Douglas, Robert Redford, Jack Nicholson, Victoria Principal, Tom Cruise, Charlie Sheen, ou Michael Keaton sont sur la liste des propriétaires. Il y a aussi George Lucas. Le réalisateur de la série des Indiana Jones achète comptant le tout premier exemplaire livré en Californie. Tellement fan du modèle, il en aura plusieurs exemplaires et convertira ses amis, comme Harrison Ford ; lequel ne vendra la sienne qu’après 400 000 km à son volant. Alice Cooper comme Elton John en ajoutent vite un exemplaire à leurs collections de super-cars.
Bien au-delà, la Honda NSX conquiert immédiatement les férus de technologie et de modernité, comme John DeLorean, créateur de la voiture éponyme, mais aussi Steve Wozniak, co-fondateur de Apple, Michael Dell, créateur des ordinateurs Dell, ou Bill Gates, fondateur de Microsoft. Larry Ellison, fondateur d’Oracle, n’en aura pas moins de sept exemplaires successifs, dont un modèle unique spécialement créé pour lui avec des options spéciales. Bien entendu, la personnalité la plus célèbre vue au volant d’une Honda NSX est Ayrton Senna.
Ayrton Senna : essais sur piste et légendes urbaines
Pilote officiel Honda en F1, ce grand champion est le plus virtuose de sa génération. Si sa NS-X immatriculée au Japon est bien une voiture de fonction, et si un exemplaire sera mis à sa disposition lors des grands prix, la voiture rouge qu’il bichonne au Brésil est bien sa voiture personnelle. Il ne laisse à personne le soin de la laver : les photos sur lesquelles il a son tuyau d’arrosage à la main deviendront aussi célèbres que celles sur lesquelles il prend le volant.
Une célébrité propice à engendrer des légendes urbaines, évidemment. La plus répandue voudrait que ce soit le pilote de F1 lui-même qui aurait décelé les éventuelles fragilités du châssis en aluminium lors d’une prise en main du prototype sur la piste du circuit de Suzuka. En réalité, si Ayrton Senna a bien essayé à plusieurs reprises les voitures, y compris pour des essais de presse particulièrement spectaculaires et courus, c’est bien un ingénieur et essayeur maison de Honda qui sera à l’origine du perfectionnement d’une voiture développée jusqu’au paroxysme.
Une GT sans faille : le pouvoir des ingénieurs
La Honda NS-X est avant tout une voiture d’ingénieurs. Elle s’inscrit d’ailleurs dans l’histoire de l’automobile en général, et dans celle des sportives de grand tourisme en particulier, avec un beau palmarès d’innovations. En effet, la NS-X est la première voiture conçue avec un châssis monocoque en aluminium, assurant la légèreté de cette structure qui ne pèse que 210 kg. Son moteur V6 de 2 977 cm3, particulièrement compact grâce à un angle de 90° – ce qui est plutôt l’apanage des V12, habituellement- est entièrement en aluminium, avec des pistons forgés et des bielles en titane, ce qui ne s’était encore jamais vu sur une voiture de série. Tout est conçu pour être léger et fluide.
Ce bloc moteur, baptisé C30A, équipé de 24 soupapes actionnées par des culasses à double arbres à cames, bénéficie, entre autres, du système de distribution VTEC et du systèle d’injection PGM-FI propre à la marque japonaise. Il faut aussi citer l’innovant système de collecteur d’air à volume variable VVIS (Variable Volume Induction System), permettant d’augmenter la quantité d’air admise à partir de 4 800 tr/min pour dynamiser encore plus cette mécanique redoutablement efficace. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 274 ch à 7 300 tr/min et 294 Nm à 5 400 tr/min. Nul besoin d’être un spécialiste pour comprendre que la NSX est une bombe capable d’atteindre 273 km/h en pointe, et d’abattre le 0 à 100 en moins de 6 secondes.
Soleil levant sur les super-cars
Honda joue dans la cour des grands et fait jeu égal avec les bolides les plus affûtés du moment, notamment la Porsche 959, la Ferrari F40 ou la Lotus Esprit V8. D’autant plus que l’Aston Martin V8 Vantage X-Pack, mue par un V8 5.4 litres de 539 ch, battant en vitesse toutes les autres, avec des standards de luxe, de finition et de confort un cran supérieurs, venait de tirer sa révérence, ultime vestige de « l’ancien monde » des sportives d’exception des années 70 et 80.
Dans les années 90, place aux super-cars.
Atypique, la GT du pays du Soleil levant allait évoluer dans l’univers baroque et superlatif des Lamborghini Diablo, Vector W8 ou autres Cizeta V16T. La NSX n’est certes pas la plus démonstrative. Au Japon, le sens de la mesure est un art. Mais elle est probablement l’une de celles qui a le plus influencé la catégorie dans sa génération. Pour s’en convaincre, il suffira de relire les nombreuses interviews de Gordon Murray, le créateur de la fascinante McLaren F1. Pour concevoir cette voiture, l’ingénieur britannique aura fait le tour de toutes les super sportives du moment. Une seule l’impressionnera vraiment : la NSX. Il restera très longtemps un fervent utilisateur de sa GT japonaise, en parallèle.
À partir du moment où j’ai conduit la petite NSX, toutes les voitures de référence – Porsche, Ferrari, Lamborghini – que j’utilisais pour développer ma voiture se sont effacées. Bien sûr, la voiture que nous allions créer, la McLaren F1, devait être plus rapide que la NSX, mais la qualité du comportement de la NSX allait devenir notre nouvel objectif.
Gordon Murray
La recette du succès ? Saveurs traditionnelles et goût du futur
Pourquoi cette voiture a-t-elle eu pareil impact ? Probablement parce qu’elle est un concentré de ce qui fait la spécificité mystérieuse de la culture japonaise : le mariage réussi du respect de la tradition et la recherche déterminée de la modernité technologique. Rien que le processus de développement de cette voiture, dévoilée en 1989 au salon de Chicago, en dit long. La genèse remonte à 1984, avec diverses études mécaniques et surtout un concept de style, établi par Pininfarina pour Honda ; le prototype HP-X (Honda Pininfarina Xperimental).
C’est l’une des attractions du salon de Turin, où son habitacle avancé influencé par l’aéronautique fait sensation. Le jalon suivant est le concept-car MG EX-E, présenté, l’année suivante, à Francfort par le constructeur anglais et qui trouvera des prolongements dans la Jaguar XJ220. Le principe d’une canopy, cette verrière globale proche d’un cockpit d’avion de chasse, et l’intégration complète des éléments aérodynamique à la carrosserie y sont développés. Ce prototype, comme le dessin de l’avion de combat F-16 vont profondément influencer Ken Okuyama pour le dessin de la NSX. Des principes qui guideront encore le designer quelques années plus tard, lorsqu’il signera le dessin de la Ferrari Enzo. L’influence du cockpit du F-16 guidera aussi Shigeru Uehara, qui peut être considéré pleinement comme le père de la NSX. Cet ingénieur sera aussi à l’origine de la Honda S2000, et rejoindra l’équipe dirigeante de la marque.
Pour la NSX, Honda créera une usine spéciale, à Toshigi, dédiée à la production de ce modèle. Y travailler est un honneur et seuls les ouvriers capitalisant 20 ans d’expérience dans la maison peuvent candidater. Seulement les 200 meilleurs d’entre eux seront sélectionnés. Les exigences de qualité sur la chaîne de production sont drastiques. Le résultat sera à la hauteur des ambitions.
La précision japonaise, gage de fiabilité
Plaisir de conduite et performances sont au rendez-vous. Mais c’est aussi une fiabilité à toutes épreuves qui établit la réputation de la NSX. La concurrence, surtout italienne, ne peut guère rivaliser sur ce point. Aujourd’hui encore, les NSX de la première génération semblent infatigables. « Il n’est pas rare de voir des voitures fortement kilométrées, avec peu de propriétaires successifs. Certains exemplaires affichent même 500 ou 600 000 km, avec le moteur et la boîte de vitesse d’origine. C’est remarquable, non ? » commente avec enthousiasme Hadrien, dont la NSX n’affiche que 180 000 km au compteur.
Le succès sera au rendez-vous, avec une insolente longévité, puisque la NSX originelle, en comptant toutes ses phases et ses évolutions, sera produite à 18 896 exemplaires entre 1990 et 2005. 1991 est une grande année pour la NSX. Après les retards de livraisons des tous premiers exemplaires, en 1990, notamment en raison des dernières évolutions de la mise au point parfaite du modèle, la production tourne à plein régime. 4000 voitures seront fabriquées cette année-là. Sur les 1100 exemplaires environ livrés en Europe, quelques 130 sont délivrées en France par l’importateur Japauto, contre la coquette somme de 540 000 Francs. « Un prix justifié par la débauche de haute technologie et un équipement très complet avec une sono Bose, une climatisation automatique et même les étonnants essuie-glaces à pression variable permettant de ne pas abîmer les balais en été et de mieux essuyer à haute vitesse » souligne Hadrien.
Passer à l’acte
Depuis deux ans, ce jeune esthète et collectionneur, a déjà parcouru 20 000 km avec sa NSX de 1991. « Nous la prenons souvent, avec mon amie, pour partir n’importe où ; l’hiver pour aller skier – j’ai même adapté un porte-skis- ou l’été pour aller faire du kayak ou à la plage. C’est une voiture très polyvalente et confortable. Il y a toute la place pour les bagages et pour se sentir bien. Ce n’est pas toujours le cas dans une super sportive. Les performances sont envoûtantes, même, si quand on abat des kilomètres sur l’autoroute, la consommation ne dépasse pas 8 litres. » raconte cet amoureux de la NSX qui se rêvait déjà à son volant, enfant, en jouant à Gran Turismo sur sa Playstation.
Toujours jugée comme exotique et atypique, la NSX n’est pas une voiture très fréquente. Pourtant, ses qualités intrinsèques, sa modernité, et le plaisir de conduire qu’elle délivre en font une auto particulièrement désirable pour les amateurs de GT, avec une cote moyenne entre 60 et 75 000 euros. Il est donc grands temps de dénicher une Honda NSX. A quoi jouez-vous ?
Georges Lucas à produit les Indiana Jones, mais c’est Spielberg le réalisateur.