La collection comme addiction Analysée par un médecin spécialisé

La collection comme addiction Analysée par un médecin spécialisé

Ce contenu a été mis à jour le 19/05/2020

Alors que le déconfinement bat son plein et que les habitudes reprennent leur cours au fur et à mesure, quoi de mieux que de remettre au goût du jour cet article sur les addictions en horlogerie ? Un article réalisé avec l’aide d’un docteur spécialisé, entre autres, dans les addictions et leur étude.

Vous savez à quel point nous aimons les réflexions concernant notre propension à collectionner des montres. Mais cette fois, après avoir parlé de cycle de la collection, l’analyse va prendre une toute autre dimension. Une personne qui nous est chère, qui nous inspire pour nombre de nos articles, et accessoirement médecin spécialisé en thérapie comportementale et collectionneur, nous a apporté quelques explications intéressantes.

Nous parlons souvent d’addiction, quand on évoque nos pulsions d’achat ou de vente de montres. Mais gardons à l’esprit que l’addiction est aussi un problème de santé publique, qui mérite toute notre attention. C’est à travers ce prisme que nous allons analyser, avec l’aide de Patrick, l’addiction pour les montres. Le moi n’est pas maître dans sa propre maison.

Qu’est-ce qu’une addiction ?

Avant de parler montres, comprenons. Aviel Goodman, psychiatre américain, a donné en 1990 une définition de l’addition qui semble aujourd’hui largement acceptée :

“L’addiction est une conduite qui repose sur une envie répétée et irrépressible, malgré la motivation et les efforts du sujet pour s’y soustraire”

Certains critères peuvent alors venir éclairer la présence d’une addiction, ainsi que son intensité :

D’autres critères sont importants lors du diagnostic :

Après avoir défini ce qu’est une addiction, le travail du praticien est aussi de remonter à la source du comportement. Nous ne rentrerons pas dans les détails, mais cela peut aussi bien relever de facteurs individuels comme des troubles liés au sommeil, à des carences affectives ou encore des ruptures relationnelles marquées par le passé, ou à des facteurs familiaux comme des conflits au sein de la famille, avec les parents notamment. La liste est longue…

L’addiction est donc une recherche de sensations pour combler un passé moins riche en émotions.

L’addiction rapportée à la collection horlogère

Attention. Je parle ici de personnes qui présentent une addiction à la collection. Et dont le quotidien est géré par la passion des montres.

Je parlais plus en amont de “l’impossibilité de résister aux impulsions à réaliser ce type de comportement”. Un collectionneur peut se dire le matin qu’il arrête un moment de s’acheter des montres, parce qu’il s’en est achetée une il y a peu. Et l’après-midi tomber sur une “affaire” ou “perle rare” qui le pousse à acheter.

Un mécanisme que l’on peut retrouver dans l’addiction au tabac par exemple. Du type “j’ai trop fumé aujourd’hui”, j’arrête demain. Avant de faire son Gainsbourg le lendemain.

Et il y a forcément une “tension croissante” qui précède ce comportement, car on avait dit que l’on arrêterait pour un moment, et on peut ressentir une foule de sentiments négatifs, ou contraires.

Pendant l’acte d’acquisition, le trouble pourra être présent si c’est un achat impulsif. Se dire encore une fois que ce n’est pas nécessaire, et que l’on est tombé dans le piège. Pour parler simplement, notre coeur balance. Tout bascule en une fraction de seconde, et quand la montre est achetée, la tension s’apaise.

Qui peut nier qu’une fois la transaction effectuée, le plaisir n’est pas présent ?

Je dirais même qu’il est rassurant. On se rassure, en se disant qu’on ne pouvait pas succomber à la tentation. C’est le “plaisir ou soulagement pendant la durée du comportement”. Et le cycle peut continuer encore et encore, ce qui est la preuve d’une addiction. Cette “perpétuation du comportement” malgré les risques. Même financiers.

Vous savez mieux que moi que certains collectionneurs vont pouvoir céder à une impulsion, quitte à s’endetter si ils n’ont pas d’argent. Ce qui peut être source de tensions multiples.

Le sujet en a conscience, mais il ne peut pas aller contre ses impulsions. Car si il rate une opportunité, cela peut déclencher un trouble chez le collectionneur.

L’addiction met aussi en relief le temps passé à s’adonner à ce type de comportement, avec son aspect chronophage. En effet, un collectionneur qui présente cette addiction consacrera un temps important à cette activité, qui va déborder sur sa vie quotidienne. Soit pour acheter ou vendre, mais aussi à l’acquisition de la connaissance, au partage avec d’autres passionnés. Rien de très grave jusqu’ici, mais, il peut évidemment arriver que ce comportement remplace d’autres activités qui peuvent générer des conflits dans sa vie professionnelle et familiale.

Pour faire écho à l’article précédent sur les cycles de la collection, cette réflexion s’y intègre parfaitement bien. D’une part une addiction se répètera dans l’avenir, et d’autre part pourra entraîner à la fois du plaisir mais aussi de l’irritation comme tout ne se passe pas comme on l’aurait souhaité.

Le plus important pour la fin. Contrairement au tabac, à l’alcool, ou à une grosse “ligne de coke”, collectionner des montres n’a jamais tué personne. Même si certains, comme les jeux d’argent, se sont retrouvés démunis ponctuellement ou sur le long terme pour avoir cédé à une “compulsion horlogère impulsive”. 

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