Baselworld 2019 A tête reposée.

Baselworld 2019 A tête reposée.

Cette dernière édition du salon horloger Baselworld s’est achevée il y a bientôt quinze jours, l’occasion de revenir à tête reposée sur un format en mutation profonde depuis le départ soudain du Swatch Group, les changements en question et la saveur d’un salon qui ne sera sans doute jamais plus comme avant. Attention, ce n’est vraiment pas nécessairement une mauvaise chose.

Baselworld 1998-2018

C’est certain, il a eu des abus ces vingt dernières années.

Des exagérations, des surenchères qui ont peu à peu fini par transformer la fête de l’horlogerie en machine à cash au billet prohibitif pour qui n’appartient pas à un puissant groupe de luxe. Un investissement colossal non seulement pour les marques, mais aussi pour les autres acteurs, détaillants et membres de la presse, venant du monde entier pour le grand rendez-vous. A 500€ la nuit, 10€ le coca et 15€ le Bradwurst mangé sur le pouce, debout, entre deux rendez-vous, je vous laisse calculer le coût de revient de la semaine de travail sans sommeil.

A ce rythme et à ces tarifs, même le puissant Swatch Group et ses marques historiques ont fini par se fatiguer. Jusqu’à se demander si l’investissement en valait encore la peine. Après presque un siècle de bons et loyaux services, un questionnement pareil, ce n’est pas rien. Et la réponse fut non.

C’est officiel, « Basel » ne sera plus jamais comme avant et Michel Loris-Melikoff, nommé à la direction du salon quelques semaines à peine avant le coup de tonnerre, a d’emblée du pain sur la planche pour redorer le blason terni de l’historique salon avec un objectif principal : celui de réparer le jouet cassé et de prouver au monde horloger qu’à l’heure de l’iPad et la dématérialisation, l’antique format a encore un véritable intérêt …

Les grands changements 2019

C’est donc dans un contexte rempli d’interrogations que nous avons pris cette année, pour la 10ème fois consécutive en ce qui me concerne, le train en direction de la ville frontalière qui accueille les festivités depuis si longtemps.

Beaucoup plus d’espace. On respire. On ne sait pas encore si c’est à cause du vide laissé par le Swatch Group en plein coeur du légendaire Hall 1, l’ouverture de zones jusqu’alors inutilisées ou une baisse drastique de la fréquentation, mais c’est évident.

Nous sommes mercredi. Journée presse. Le salon n’ouvre officiellement ses portes que demain. Pas de panique.

Le coeur du salon s’articule désormais autour d’un espace presse, ouvert, bien aménagé et lumineux, où travailler et s’hydrater devient tout d’un coup beaucoup plus agréable qu’avant, coincé sur un bout de table, luttant constamment pour une prise, un tabouret ou un verre d’eau. Côté presse donc, nettement plus agréable.

Côté visiteurs et détaillant aussi, j’imagine. Des espaces de restauration fleurissent, non plus sous forme de saucisses overpriced cachées à l’arrière d’un stand luxueux mais bien au centre des halls et des allées, nouveaux lieux de rencontres et de rendez-vous informels ou l’achat d’un sandwich ou d’une salade ne remet plus en cause la santé financière de votre petite entreprise. Evidemment, ça change la donne et sûrement aussi l’état d’esprit de pas mal de monde.

Ces premiers changements, planifiés en quelques mois à peine par l’ancien directeur de festivals de musique électronique, changent donc déjà grandement l’atmosphère de ce salon. En bien mieux, vous l’aurez compris.

Je pourrais aussi vous parler d’un excellent Pad Thai, trop cher mais très bon, d’un Whisky Sour de l’Hôtel des Trois Rois, d’un bar local caché au bord du Rhin où la bière est comparativement quasi-gratuite, et d’un DJ de 56 ans jamais vraiment revenu d’un délire sous acide, mais revenons plutôt aux montres…

Le résultat et les espoirs

Le résultat est clair : l’absence du Swatch Group ne passe pas inaperçue, mais laisse le temps de voir d’autres marques, de faire de nouvelles rencontres et de s’intéresser davantage à de jeunes marques souvent laissées pour compte par manque de temps.

Les évolutions d’aménagement du Hall 1 bénéficient clairement à certaines marques qui se retrouvent projetées en tout premier plan. On pense notamment à Breitling et à Bell & Ross, qu’on n’a plus besoin de chercher pour trouver.

L’ambiance foire, ce salon professionnel à taille humaine où l’on vient avant toute chose présenter des nouveautés et des collections reprend forme, surtout lorsqu’on monte à l’étage. Derrière les stands devenus de véritables immeubles, on retrouve avec plaisir, presque émotion, de simples tables et des chaises où les acteurs de l’ombre dont on connaît souvent moins les noms nous reçoivent. On se souvient alors avec émotion de ce que ça devait être avant, bien avant.

S’assoir naturellement au coin d’une table avec un Ragusa et un café pour véritablement parler produit, ce n’est pas exactement la même démarche que celle qui consiste à faire la queue pour une coupe de champagne avant d’écouter des discours au sein desquels on parle de cibles, de valeurs, mais où on oublie trop souvent le produit. Je suis un peu dur, mais j’exagère à peine le trait.

Un peu d’humilité et un retour aux sources fait donc cette année le plus grand bien.

Tous les espoirs quant à l’avenir du salon sont donc, en ce qui me concerne, plus que permis. Bien sûr, le vrai changement ne s’opèrera pas en une édition, mais le travail effectué et surtout la direction prise par les nouveaux dirigeants me paraît en tous cas extrêmement saine.

Baselworld est encore LE rendez vous où tous les acteurs de l’industrie peuvent se retrouver et échanger. Marques, détaillants, presse et passionnés se croisent, se regardent, échangent et c’est bien de ces rencontres que naissent les émulations qui font vivre l’industrie.

Une rencontre annuelle vitale qui risque de disparaître si tout le monde commence à faire son petit salon, avec ses clients, dans son petit coin. Les quelques grands groupes à la trésorerie saine peuvent peut-être se le permettre, mais pas tout le monde. Qu’adviendra t-il si demain Baselworld disparaissait ? Un futur horloger composé d’une dizaine de grosses marques ? Une diversité présente, mais invisible ?

A méditer sérieusement, car demain, si l’on arrivait à cela, la reconstruction d’un tel rendez-vous unique et fédérateur deviendrait beaucoup plus compliqué.

Côté nouveautés, Baselworld 2019 n’était pas ce qu’on pourrait considérer comme une année révolutionnaire. Enormément de prudence chez les grandes marques et des nouveautés qui en sont finalement rarement.

Mais ce n’est pas grave, tant la création nécessite du temps, et tant l’horlogerie a, à mon avis, besoin d’un repos bien mérité. Un design et une image de marque ne s’installent pas en un an, mais sur le long terme. Et surtout, pour ceux qui ne sont pas content et se plaignent d’un certain manque d’audace… soyons sérieux, ce n’est pas la faute de Baselworld.

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