Mouvements de Manufacture : Est-ce vraiment si important ?

Mouvements de Manufacture : Est-ce vraiment si important ?

Un mouvement de manufacture ? Un argument que de nombreux amateurs jettent à leurs amis, et que de nombreuses marques mettent en avant dans leurs stratégies de communication, mais qui cache plusieurs réalités. Qu’est-ce que cela signifie exactement ? Et surtout qu’est-ce que cela implique ? Nous allons nous y attarder un instant afin que vous ayez tous les arguments en main lorsque votre beau-frère Daniel remettra le sujet sur la table au moment du dessert, le torse bombé et l’oeil fier, en se gaussant de votre 2824…

Un mouvement de manufacture : Qu’est ce que c’est ?

Un calibre de manufacture, littéralement, pourrait se définir comme tel :

Calibre de Manufacture (n.m)
“Un mouvement conçu en interne, produit, assemblé et réglé par la même maison qui apposera son nom sur le cadran. Un calibre unique, spécifique à cette maison et que l’on ne retrouvera pas dans un boîtier concurrent.”

La réalité est bien plus nuageuse. et c’est non seulement normal, mais cela fait aussi entièrement partie de la tradition horlogère, c’est même très sain. Laissez-moi m’expliquer… Bien avant que l’horlogerie suisse ne s’organise en deux groupes distincts regroupant la majorité des marques historiques, la fabrication d’une montre était partagée entre de nombreux sous-traitants spécialisés. La réalisation de chaque composant était confiée à celui dont c’était le métier : cadraniers, fabricants de boîtiers, d’aiguilles ou spécialistes de l’émail, mais aussi bien-sûr fabricants d’ébauches, de modules et de mouvements. On retrouve parmi eux les grands noms que nous connaissons tous que sont, Lemania, Valjoux, MartelVenus et ETA pour ne citer qu’eux.

L’avantage principal ? Un vrai recul sur la précision et la fiabilité de leur production pour des manufacturiers qui ont parfois produit les mêmes mouvements et ses déclinaisons  pendant de nombreuses décennies ainsi qu’une facilité d’entretien et de réparation sur le long terme. Nous allons y revenir dans un instant…

Un gage de différenciation, pas forcément de précision ou de fiabilité

C’est exact. Un mouvement de manufacture vous garantira une construction différente, un mouvement souvent plus esthétique et mieux décoré que celui de votre voisin de table, mais pas forcément plus précis, fiable ou robuste qu’un mouvement “off the shelf” qui fait ses preuves depuis 50 ans et tourne encore avec précision après avoir connu plusieurs guerres, des centaines de chocs, la boue et les immersions… et c’est tout à fait logique !

S’il l’on ramène ce fonctionnement à la réalisation d’un film de façon imagée, être scénariste, réalisateur, producteur, acteur ou cameraman sont des métiers bien différents… et il n’y a qu’un seul Clint Eastwood. En horlogerie,  c’est pareil. Vous me suivez ? 

Bien entendu lorsqu’on se retrouve en face d’un calibre A. Lange & Söhne, Vacheron Constantin ou Patek Philippe, construction et finitions sont au rendez-vous, tout comme vous pourrez compter sans failles sur la fiabilité d’un mouvement Rolex pour vous accompagner tout au long de votre vie. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les calibres qui se revendiquent “in-house”. Il faut donc prendre le temps d’observer, de se renseigner et d’apprendre, d’aller voir plus loin avant de ne jurer que par ces dits mouvements de manufacture !

De nombreuses légendes aux coeurs de série ? Bien sûr !

L’exemple le plus parlant est celui des chronographes Rolex, équipés exclusivement de mouvements Valjoux, de 1920 à 1986. Un hasard ? Non. Developper un mouvement chronographe qui puisse être produit en série et réponde à leurs exigences de fiabilité et de précision, cela prend du temps. Plus de 50 ans en l’occurence pour l’un des acteurs les plus puissants de l’industrie. Je vous laisse donc imaginer ce que cela représente pour des maisons moins solides.

On retrouve donc ces mouvements de légende au coeur de nombreuses montres de légende mais aussi de noms parfois oubliés aujourd’hui, plus accessibles, encore sous le radar de collectionneurs et qui n’ont donc encore pas vu leur cote exploser… Elle ne sont pas moins intéressante si vous voulez mon avis…

On pourra donc retrouver le même Valjoux 72 au coeur d’un Rolex Daytona ou d’un Nivada Chronomaster. Des ébauches Valjoux étaient couramment utilisées par des noms aussi prestigieux qu’Audemars Piguet, Blancpain et Breguet, mais aussi Enicar et même Patek Philippe  (avec un travail de finitions plus couteux que le mouvement lui même, certes).

LeCoultre et les ébauches Martel ? Breitling et le Venus 178 ? Tudor et ETA ? Je continue ?

Parce que l’émotion ne s’explique pas aussi facilement : Une montre n’est pas qu’un calibre

Pas de jugement hâtif, donc, et les collectionneurs vous le diront tous : l’émotion qui se crée à la vue d’une pièce ne peut être réduite à son mouvement. C’est un subtil équilibre des proportions d’une forme de boîte, d’un design et  d’un cadran. Lorsque celui-ci se pare d’un petit ou d’un grand bout d’histoire et d’un mouvement sur lequel on peut compter, qu’il soit unique ou non, il se passe quelque chose !

Je nous propose donc d’arrêter ce snobisme “de manufacture” et de rendre à César ce qui lui appartient : Pour toutes ces bonnes raisons, reconnaissons la qualité de toutes ces ébauches et calibres qui nous ont apporté les plus grandes icônes de l’horlogerie. Shall we ? 

Je vous laisse en reparler avec votre beau-frère dans quelques années. Avec un peu de chance il aura compris !

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