Retour sur le mythe Blancpain Fifty Fathoms
2 ans. 2 put**** d’années. Voilà le temps qui s’est écoulé depuis mon dernier article « montres mythiques » (le Primero Zenith). C’est ridicule.
Il y a pourtant tellement de choses à raconter, tellement de montres à présenter, je n’ai aucune excuse. Mais bon, tu sais ce que c’est le tourbillon de la vie, les vapeurs du Bourbon, les revues horlogères, les enfants qui grandissent, la vie qui nous sépare, tout ça…
Oh je ne vais pas te faire une promesse intenable, je ne vais pas te dire que je suis reparti pour un rythme mensuel (il faut bien mettre des coquillettes dans l’assiette Minnie et du jus de pomme dans le verre Snoopy), mais je vais tâcher de ne pas complètement laisser tomber ce travail d’archivage. Ou de vulgarisation (parce qu’en me relisant aujourd’hui je constate que c’est parfois un peu vulgaire – je ne regrette rien, je persiste, et signe).
Je te prie juste de m’excuser pour ce hiatus, de ne pas m’en vouloir si j’ai parfois mieux à faire (#YOLO), et de te satisfaire de ce que je suis en mesure de donner. Même si c’est au compte-gouttes…
Allez, trêve d’auto-flagellation.
Il y a quelques semaines on te parlait d’une plongeuse testée cet été, te disant au passage qu’il serait de bon aloi de parler des spécificités de la catégorie. Et quelle meilleure entrée en matière que de te parler de LA montre de plongée ? Pas la première, en aucun cas, mais celle qui a servi de template pour toutes les autres. Jusqu’à la norme ISO qui régit l’appellation aujourd’hui.
Les vrais sauront de qui je parle. Les autres ne tiennent plus tellement le suspense est intense.
Je vais évoquer la Fifty Fathoms Blancpain.
Flop.
Ou plutôt splash.
Oui je sais, à moins de s’adresser à un parterre d’averti, quand on parle de plongée et de montres, on pense Rolex. On pense Submariner. On pense Sea Dweller. On a tort.
Car vois-tu la plus belle montre de plongée, la plus mythique, la plus virile aussi, mon graal personnel, c’est la FF de Mars Blancpain. (pour ceux qui n’ont pas compris, ça se passe ici).
Ne me fait pas dire ce que je n’ai pas dit, j’ADORE la sub Rolex. En tous cas la 5513. Et la 5512. Et la 6538. Et la 1680. Et la Milsub. Ou la Explorer Dial 3-6-9. Bref, j’aime VRAIMENT la Sub. J’ai une 5513. Je n’ai pas de FF. Pas encore tout du moins, mais au cours des coquillettes et du jus de pomme de nos jours…
Bon, mais arrêtes de me laisser digresser, on est là pour parler Blancpain.
Comme beaucoup des modèles mythiques de l’histoire de l’horlogerie (en tous cas de l’horlogerie fonctionnelle, la fameuse tool-watch), la Fifty Fathoms a été créée pour des besoins militaires.
Flashback to 1952
L’armée française se reconstruit. La guerre froide commence à pointer le bout de son nez, c’est le début de l’ère des espions et des services secrets (en France, le SDECE – prononcer [zdek] – qui deviendra la DGSE au début des années 80 sous Tonton).
La Marine Nationale collabore avec les services secrets pour la création d’un commando de plongeurs de combat d’élite, qui deviendra le Commando Hubert (et qui existe encore). On ne peut bien entendu pas mentionner ceci sans name-dropper Bob Maloubier, officier de renseignement au SDECE et l’un des pères fondateurs du commando sus-cité.
Evidemment, les plongeurs ont besoin d’un équipement au top pour mener à bien leurs futures missions (jette un œil à wikipedia, c’est pas du mou de veau) : au-delà du matos de plongée strict, ils sont équipés de profondimètres, boussoles et montres.
Justement cette montre : début 50, les montres étanches et compatible avec la plongée sont rares (et relativement insatisfaisantes pour les besoins d’une unité d’élite) – pour info : la première montre « de plongée » est certainement la Omega Marine de 1932, mais elle n’est pas fonctionnelle (elle est à peu près étanche cela dit).
Panerai améliore le truc en inventant la matière luminescente pour pouvoir voir les indications sous l’eau plus aisément : le fameux Radiomir dont le nom est encore utilisé par la marque (sauf qu’aujourd’hui plus de risque d’empoisonnement au radium, yay !). Panerai fournira la Marine Royale italienne, les Kampfschwimmer du 3ème Reich et l’armée Egyptienne, mais tu me laisses encore digresser, là…
Il faut inventer la montre de plongée moderne. Celle qui pourra servir cette unité d’élite dans toutes ses missions autour du globe.
Blancpain, le grand plongeon
Blancpain est à l’époque une toute petite maison basée à Villeret, peu connue du grand public et mal distribuée en France. Mais son patron est passionné de plongée. Alors il fonce.
Le premier modèle Fifty Fathoms est présenté à Bâle en 1954 et présente pratiquement toutes les spécificités d’une montre de plongée moderne : une lunette rotative et bloquante pour mesurer le temps d’immersion, un boîtier étanche, des aiguilles et index luminescents pour faciliter la lecture sous l’eau, et un look ultra cool. Bon ça c’était pas dans le brief, mais c’est un fait indiscutable. Pour info la Submariner Rolex arrivera environ un an après.
Blancpain choisit de la nommer Fifty Fathoms pour traduire sa capacité de plongée : cela veut dire cinquante brasses, soit l’équivalent d’environ 90m de profondeur (la limite à l’époque de la plongée à air comprimé). Donc un nom hyper littéral. Mais surtout hyper cool. En réalité elle est étanche a quasi 150m, par sécurité.
Pour distribuer sa FF auprès de la Marine, Blancpain fait appel à la Spirotechnique (si on t’en a pas encore parlé, honte sur nous), mais choisit de s’associer à son homeboy Fred LIP (dont la marque éponyme domine le marché Français) pour la distribution civile sous le nom LIP BLANCPAIN.
La Fifty Fathoms est un succès commercial, grâce à son pédigrée militaire, mais également (surtout ?) grâce à son apparition au poignet des plongeurs de l’équipe Cousteau dans le film « le Monde du Silence » de 1956 (ci-dessous au poignet d’un plongeur de l’équipe dont j’ai oublié le nom).
La Fifty Fathoms sera ensuite utilisée par bon nombre d’armées autour du monde, notamment l’armée Américaine (Fifty Fathoms MILSPEC I & II) et l’armée Allemande (Fifty Fathoms BUND).
Sur la Milspec apparaît un petit indicateur intéressant à 6h : une pastille sur le cadran qui réagit en cas d’humidité pour prévenir le plongeur que l’intégrité de son calibre est compromise et qu’il faut la faire réviser as soon as fucking possible.
Quant à la BUND, on y voit une autre indication intéressante (et iconique) : un logo radioactif barré pour bien indiquer que la matière luminescente n’est pas radioactive (avant cela on utilisait du radium, sans déconner – cf. radiomir).
Il existe une autre BUND (ma préférée) dont le logo no rad a été remplacé par un 3H indiquant le Tritium utilisé à la place du radium, c’est plus discret (indication qu’on retrouve aussi sur les chronographes de la luftwaffe d’ailleurs – les fameux Heuer BUND 3H, autre graal, autre article).
Un point notable : la Milsub (la submariner Rolex de l’armée britannique) comporte un T cerclé (et sur certains modele un 3H cf. au-dessus) pour signifier l’usage de Tritium (plus discret que ce gros logo jaune et rouge, mais tout aussi cool).
Depuis, la Fifty Fathoms a connu un certain nombre d’éditions plus ou moins réussies. Dans certains cas c’est pas beau de vieillir (mais il faut reconnaitre un certain charme à la notion de descendance).
Historique intéressant; dommage que le ton de l’article soit si “familier” voire vulgaire.
@anonyme:
Comme mentionné dans l’article : “en me relisant aujourd’hui je constate que c’est parfois un peu vulgaire – je ne regrette rien, je persiste, et SIGNE”.
Call me, maybe?
Le monsieur à coté du comandant Cousteau s’appelle André Laban.
Ravi de te voir de retour en pleine forme, Alexandre !
@moonphase:
Merci pour la précision (et la gentillesse) Simon ! Tu seras à Belles Montres ?
yes !