BELLE LURETTE Épisode 2 : L'Horloge, par Charles Baudelaire
Offerte chaque mois par Les Rhabilleurs à ses lecteurs, Belle Lurette propose une plongée parmi les mots qui évoquent le temps, la durée, leur appréhension ou leur souvenance avec autant d’amplitude que peu de précision : poèmes, extraits de romans, citations, etc. Et pourquoi pas à l’avenir un échappement, un pont vers d’autres shapes artistiques ?
Belle Lurette est-elle une tool pour désamorcer une complication imminente lors d’un red bar trop peu étanche ? Une dress pour séduire ou flatter tel aréopage distingué ? Une flieger en vue de baliser un débat éthéré ?
Peu importe : Belle lurette demeure une gada (« Go Anywhere, Do Anything ») à conserver, puisqu’accessoirement essentielle.
Nicolas, quant à lui, nous fera la faveur au zénith de son éloquence, chevelure spiral(e), de scander ces mots, à sa discrétion, le temps d’une bobine.
Enfin, à ceux qui ignoreraient – encore – ce qu’est une heurette, devenue lurette au fil du temps : une petite heure ? Une demi-heure en Flandres ? Il y a bien plus d’une heure, depuis belle lurette ? Heurette mystérieuse, je guilloche ton nom !
Belle Lurette, une sélection du ressort de Stanislas @rueeverslheure, atteint comme nous autres d’horlogite patentée, toutefois plus indulgent envers les montres peu lisibles que l’art qui le serait tout autant. Encore que !
Pour ce deuxième épisode, à retrouver sur Instagram, un grand classique de la poésie et du temps qui passe, infaillible, avec L’Horloge de Charles Baudelaire, parue dans Les Fleurs du Mal. Vous remarquerez la structure du poème avec ses 24 alexandrins ou chaque quatrain (qui sont au nombre de six) devient quatre heures, pour représenter les 24 heures de la journée.

L’horloge
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

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