ROLEX DAYTONA ZENITH La "première" fois du Daytona

Lorsque nous évoquons les mots de Rolex Daytona, l’image du célèbre circuit américain me revient sans cesse en tête. J’imagine déjà la course effrénée des 330 P4 avec les GT 40 au cœur de la nuit étoilée de Daytona en 1967. En effet, en cette année du triplé Ferrari face au Porsche 910 et au Ford GT40, les plus grands noms du sport automobile s’affrontent. 

Daytona est un circuit où depuis 1962 de nombreux constructeurs s’affrontent. Depuis 1992 Rolex en est le sponsor principal. Des légendes se sont mesurées et affrontées, comme Paul Newman en 1979 avec sa Porsche 935 Moby Dick. Une Daytona et Paul Newman, cela ne vous rappelle rien ? 

En effet le célèbre chronographe de Rolex aura été au centre d’une attention toute particulière ces dernières années, alors que dans les années 1970 il n’était pas plébiscitée de la même manière. La fameuse Rolex Paul Newman – référence 6239 – est partie pour 17,2 millions de dollars, et sa petite sœur – référence 6263 – provenant aussi du poignet du célèbre acteur est quant à elle partie pour 5,4 millions de dollars. 

Des chiffres à faire tourner les têtes pour ces références équipées du mouvement Valjoux 72, certes excellent mais dont la valeur dépasse à mon avis l’entendement. 

Néanmoins la légende de la Daytona a fait couler beaucoup d’encre et de passionnantes histoires entourent ce cosmographe. 

Le début d’une légende

En effet la manufacture Rolex souhaite se conformer à l’attente de la clientèle qui n’est plus attirée par les références à remontage manuel du célèbre chronographe au début des années 1980. Rolex ne possède pas le savoir nécessaire en interne pour assurer la conception d’un chronographe a remontage automatique. La marque à la couronne fait donc le choix de se fournir chez une autre manufacture. Néanmoins, Rolex souhaite conserver une boîte fine ayant un diamètre contenu et doit donc trouver un mouvement suffisamment fin pour répondre à ce critère essentiel. 

Le paysage horloger des chronographes automatiques de manufacture est relativement réduit dans les années 1980. Lémania propose un calibre 5100 fiable mais dont la disposition des compteurs diffère de celle plébiscitée par Rolex, c’est-à-dire un 3-6-9. Le mouvement est aussi épais dû à sa construction modulaire de 8.2 mm.

Valjoux propose quant à lui un 7750 qui ne peut pas non plus répondre au cahier de charges pour les mêmes raisons. 

Mais un chronographe Ebel modèle 1911 apparait en 1981 et reprend quelques caractéristiques recherchées par Rolex : le boîtier mesure 37 mm, l’épaisseur totale de la montre est contenue à 12,6 mm et la disposition des compteurs correspond au cahier des charges de la manufacture Genevoise. Après quelques recherches, Rolex apprend que Zenith a repris la finition d’ébauches du El Primero réalisées 10 ans auparavant. 

C’est ainsi que Rolex se rapproche de Zenith, afin d’entamer un début de collaboration. Zenith est intéressé par le partenariat proposé mais n’a pas la capacité de produire à nouveau des mouvements El Primero. Je rappelle que si une partie des outillages a été préservée par Charles Vermot, une partie des machines servant à la fabrication a été détruite en 1975. Pour se faire, Zenith doit s’assurer que son partenariat avec Rolex sera fiable et durable sur une période relativement longue pour pouvoir investir dans de nouveaux outils de production. 

La naissance du calibre 4030

Rolex s’engage donc dans un partenariat qui durera dix ans, et travaille avec Zenith sur le calibre afin de le rendre conforme au standard Rolex. Deux cents adaptations seront ainsi apportées au calibre El Primero 400 et la plupart feront l’objet d’un dépôt de brevet. 

Il faut tout de même noter que ni Rolex ni Zenith n’a divulgué le cahier des charges initial, ni même confirmé les modifications dont nous allons parler.  Autrement dit, aucune information n’a filtré de manière officielle sur ce partenariat légendaire. 

 Voici une partie des modifications demandées par Rolex :

• Amputation de la date et réduction de la hauteur du mouvement 
• Remplacement du balancier par un alliage Glucydur amagnétique
• Spiral plat changé par un spiral Breguet
• Régulation microstella qui permet d’équilibrer le balancier ce sont des 4 vis en or qui permettent l’équilibrage de celui-ci 
• Balancier de plus grand diamètre 
• 28 800 alternances par heure
• Plan de lubrification revu afin de l’adapter au standard Rolex
• La roue à colonne est remplacée par une version avec plus de dents afin de donner plus de souplesse lors de l’actionnement du chronographe.
• Masse oscillante de type Rolex
• L’inverseur de remontage type Rolex permet un remontage dans les deux sens 
• Les finitions sur le calibre Rolex sont de meilleur niveau (perlage, anglage et brossage) comparé au sablage qui domine les finitions du calibre 400 Zenith

Il faut aussi comprendre qu’en 1980 Rolex dispose déjà d’un réseau de distribution conséquent et d’un SAV important, dont les équipes sont formées aux techniques d’entretien classique des montres Rolex. Cela nous permet de mieux comprendre les travaux effectués sur les organes de régulation – du balancier au réglage microstella.

Parmi les modifications apportées, la suppression de la date s’explique par l’histoire de la Daytona. En effet les cosmographes précédents n’en disposaient pas. La modification que je préfère concerne la diminution de la fréquence du calibre, qui a fait fantasmer plus d’un amateur. Nous avons deux explications plausibles, une plus poétique et l’autre plus technique :

• La première consiste à dire que Rolex souhaite conserver une alternance de 28 800 alternances par heure pour uniformiser sa gamme et ainsi préserver ses compétences chronométriques avec une fréquence maîtrisée. 
• La seconde qui est pour moi la plus logique, est liée à une problématique de lubrification. En effet le calibre originel El Primero a une fréquence élevée a 36 600 alternances par heure. Si cette fréquence est synonyme de précision, elle génère d’autre problématiques. A cette fréquence, la lubrification ne peut plus se faire de façon classique par dépôt d’huile dans les rubis. La vitesse de rotation du balancier satelliserait l’huile, et notamment le spiral, ce qui nuirait à la précision de la montre. 

Pour cela Zenith a développé un procédé de lubrification a sec mais qui n’est pas connu de l’intégralité du SAV Rolex. 

C’est ainsi que les modifications simplifieront les réglages finaux à l’emboîtage ainsi que les opérations de maintenance. 

Durant le développement du calibre 4030, les équipes techniques de Rolex et Zenith collaboreront de façon étroite afin de livrer les premiers calibres en 1988. Les calibres El Primero 4030 seront intégralement produits et réglés au sein de la manufacture Zenith durant les douze années de production de ce calibre. 

Avec cette évolution de calibre, la Daytona change de visage, et nait la célèbre référence 16520 . Elle se démarque de la référence précédente avec l’apparition de ponts protège couronne. La boite change d’identité et prend un léger embonpoint vis-à-vis références précédentes. Elle passe ainsi d’un diamètre de 37.5 mm à 39 mm et arrondit quelques peu ses lignes. L’épaisseur reste contenue, inférieure à 13 mm ce qui la classe dans la catégorie des chronographes au proportions idéales selon moi. Sous le verre saphir, on retrouvera une multitude de cadrans et de détails au jargon varié. Les détails des typologies de cadran s’étendent même jusqu’aux indices de la lunette !

Dans les plus célèbres, citons – les cadrans « Patrizzi » au milieu des années 1990 qui présentent des sous-compteurs qui tirent vers le marron du à un défaut du vernis zapon – les premiers cadrans « inverted 6 » avec le 6 à l’envers plutôt qu’a la position de lecture classique. Et bien d’autres encore jusqu’à la fin des années 1990 ou le Luminova fera rapidement une apparition dans la gamme.

Il y a tant à dire sur cette foule d’évolutions qu’un seul article ne suffirait pas pour tout dévoiler.

La Daytona présentée ici, que nous avons trouvé chez nos amis de l’Atelier des Tocantes, est l’une des dernières à cadran blanc et tritium. Un beau cadran à cinq lignes, un 6 en position naturelle, et le nom Cosmograph qui s’aligne avec les point haut des deux sous compteurs. Une version typique de la fin des année 1990 pré-luminova.

En parallèle et durant toutes ces années, Rolex travaille à la conception de son propre calibre chronographe automatique le 4130 qui remplacera en 2000 le calibre El Primero. Durant ce développement, Rolex fera bon usage des compétences acquises lors du développement du 4030. Mais c’est une nouvelle histoire

Une collaboration Réussie

Nous pouvons lire et entendre que la collaboration entre Zenith et Rolex fut difficile ou houleuse, ou qu’elle fut un long fleuve tranquille. Pour ma part, je pense que comme dans tout projet il y a du avoir des moments plus faciles que d’autres mais qui ont permis la réalisation de ce calibre de légende. Ce qui est indéniable, c’est que les deux marques sont sorties enrichies de ce partenariat : l’une a obtenu un mouvement de premier ordre pour son chronographe, tandis que l’autre a pu racheter les moyens nécessaires à la production de ces calibres et faire renaître le El Primero de ses cendres.

Cette collaboration unique dans le cadre du El Primero est surprenante et a suscité un engouement particulier chez les amateurs du cosmographe Daytona. Aujourd’hui, ces montres s’échangent entre 20.000 et plus de 200.000€ pour les espèces les plus rares, comprendre un savant mélange d’or, de cadran “porcelaine”, vous connaissez la chanson ! J’aime beaucoup les théories et légendes autour de ce calibre 4030 qui alimentent les fantasmes des amateurs.  Je finirai sur cette note, à votre avis entre les calibres 4030 et 400 lequel est le plus abouti et le plus fiable ? Serait-ce une compétition aussi célèbre que celle des 24 heures de Daytona ? Rien n’est moins sûr…