Introduction : Marin Instruments Une nouvelle marque américaine dédiée aux montres outils modernes

En général, la personne qui conçoit une montre de plongée est un plongeur ou a au moins une certaine affinité pour la mer et tout ce que l’on peut trouver sous la surface de l’eau. Je suis sûr que vous ne penseriez pas que le fondateur de la marque Marin Instruments – dont le premier modèle est une montre de plongée – vit au milieu du désert du Nouveau-Mexique et déteste l’eau. En fait, il en a peur. Je sais, cela semble bizarre, mais laissez-moi vous expliquer comment Justin Walters en est venu à concevoir ce que je considère comme l’une des meilleures plongeuses de ces dernières années. Je sais, c’est une grande déclaration à faire et vous devrez lire l’article complet pour savoir si vous êtes d’accord ou non !

Ce qui ne vous surprendra pas, en revanche, c’est que Justin est un horloger aguerri qui a travaillé dans le secteur de l’horlogerie pendant plusieurs années. Et créer une marque de montres n’est pas une idée qui lui est venue soudainement, mais c’est une idée à laquelle il a pensé pendant longtemps. Dans cet article, nous allons donc voir comment son goût personnel pour les choses et son expertise en tant qu’horloger l’ont amené à créer des montres-outils utiles, tout aussi bien faites et au look unique. Comme c’est souvent le cas, il faut un mélange unique d’expérience et de préférences personnelles pour créer quelque chose d’unique.

Cela commence par des pièces, beaucoup, beaucoup de pièces. 

Quand j’étais enfant, j’ai développé une passion pour démonter les appareils électroniques. Des petites radios, des magnétoscopes, et aussi des outils électriques. Cependant, je n’avais aucun concept ni intérêt à les remonter. Je n’aimais que les démonter et ranger les différentes pièces dans des boîtes bien étiquetées. Je suppose que le processus de démontage des objets était apaisant. Mais, comme vous pouvez l’imaginer, mes parents auraient apprécié que je les remonte. De son côté, Justin a toujours aimé démonter les objets, mais il a créé un système pour les remonter. Mieux encore, il a découvert comment réparer les montres ! 

En fait, Justin avait acheté de vieilles montres qu’il réparait sans avoir le moindre concept de ce que cela voulait dire de réparer une montre. Il avait pris l’habitude de mémoriser l’emplacement de chaque pièce avant le démontage et, bien qu’il ne puisse en nommer aucune, il avait compris le fonctionnement d’un mouvement. À l’époque, il vivait à Kansas City et il s’est dit qu’il pourrait peut-être gagner sa vie en faisant ça. Il a donc recherché un horloger dans sa ville et a commencé à travailler comme apprenti. Il y est resté deux ans.

Mais avant de travailler sur les montres, il a commencé à les concevoir. Dans le passé, il avait conçu des skateboards et il aimait voir son nom écrit en petites lettres dessus. Comme il a toujours aimé les montres, il a pensé qu’il pourrait s’essayer à leur design. Mais il ne savait pas comment fonctionnaient les mouvements ni que les montres étaient en général conçues à partir du mouvement. En d’autres termes, l’emplacement des aiguilles et des registres dépend de la façon dont le mouvement est agencé. Ses premières esquisses montraient donc des aiguilles là où elles ne pouvaient pas être placées et il mélangeait les complications d’une manière qui n’était pas humainement possible.

Il est toutefois intéressant de noter que le deuxième modèle de Marin comporte plusieurs complications que l’on voit rarement, voire jamais, ensemble. Mais nous en reparlerons plus tard. 

Il a ensuite travaillé pour différents horlogers qui évoluaient sur toutes sortes de marques, comme Rolex et Omega. Le fait de s’exercer sur de nombreux types de montres a permis à Justin d’affiner ses goûts personnels en matière de design et d’acquérir un meilleur sens de comment les choses fonctionnent. Imaginez un jeune peintre qui n’a reçu aucune formation artistique et qui a étudié sur le tas pendant quelques années sous l’œil attentif de son maître. Bien que cette histoire ressemble trop à celle d’un siècle passé, elle est toute de manière vraie. Et pour moi, cela rend l’histoire de Justin encore plus intéressante.

Après avoir travaillé plus de six ans pour des horlogers, Justin a déménagé au Nouveau-Mexique pour travailler dans un laboratoire sur des projets gouvernementaux. Bien qu’il n’ait pas pu me donner de détails, il s’agit de démonter des objets et de les reconstruire. Ce qui se passe généralement après quelques années passées à penser à créer une marque et à concevoir des montres, c’est que l’on finit par franchir le pas. Mais Justin est un homme prudent et il a pris son temps pour créer des liens au sein de l’industrie horlogère afin de trouver le moyen de transformer ses créations en objets physiques. En d’autres termes, des montres.  

Quand les pièces deviennent des montres

J’espère que ce qui suit ne semblera jamais simple, car ça ne l’est pas. Passer d’une l’idée de créer une marque de montres à la fabrication effective des montres n’est pas une mince affaire. Il m’a fallu 20 ans pour comprendre comment gagner ma vie en écrivant, alors je compatis avec tous ceux qui essaient de créer leur propre affaire. Mais, comme cela s’est avéré, beaucoup de gens qui ont créé une marque ou sont devenus des influenceurs l’ont fait en 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19 et des confinements. Justin, comme de nombreuses autres personnes à ce moment-là, s’est retrouvé sans travail, avec des d’idées, et beaucoup trop de temps. 

Il s’est donc jeté à l’eau.  

La plupart des fabricants avec lesquels les marques indépendantes travaillent sont situés en Asie, à Hong Kong pour être plus précis. Cette ville est devenue l’épicentre de l’horlogerie parce qu’elle fournit des produits de haute qualité à des prix raisonnables. Hong Kong est aussi accessible aux étrangers puisqu’elle est un centre international et que la plupart des gens y parlent anglais. Justin, alors et comme beaucoup de ses collègues que j’ai interviewés, a affiné sa recherche sur un fabricant à Hong Kong. Pour être honnête, la plupart des marques qui vendent de bonnes montres pour moins de 1.000€ les font fabriquer à Hong Kong. 

Il s’est intéressé à un fabricant en particulier qui gère un programme d’incubation qui aide les nouvelles marques à lancer leur activité. Quelque chose d’étrange est arrivé à Justin, cependant. Comme nous le savons, Justin est le gars qui a peur de l’eau mais qui tenait absolument à fabriquer une montre de plongée. Lorsqu’il a parlé de son projet aux responsables de l’incubateur, ils se sont mis à rire, affirmant que les montres de plongée n’intéressaient plus personne et que son projet allait échouer. Mais Justin n’a pas pris leur ignorance pour une sentence, il a donc poursuivi ses recherches. 

Il a fini par faire exactement le contraire de ce que font la plupart des propriétaires de nouvelles marques : il a quitté l’Asie et s’est rendu en Suisse.

Avant de continuer à suivre l’histoire de Justin, prenons un moment pour parler de camaraderie. Plus précisément, du manque de soutien entre les professionnels de l’industrie horlogère. Que l’on soit écrivain, photographe ou horloger, on a tendance à garder ses secrets et à ne pas les partager avec d’autres personnes qui souhaitent faire la même chose. Les gens agissent ainsi parce qu’ils ont peur de créer leur propre concurrence. C’est malheureusement vrai dans toutes les industries, et c’est certainement le cas dans l’horlogerie. Il existe toutefois quelques exceptions. L’une d’entre elles est Farer, la marque de montres britannique, qui liste sur son site internet le fabricant avec lequel elle est partenaire (Roventa Henex.)

Il a donc été facile pour Justin de savoir où commencer sa recherche d’un nouveau fabricant en Suisse. Pour moi, le fait que Justin ait été aidé par inadvertance par Farer a eu une influence sur sa façon d’aborder la création de sa marque et d’en parler. Ce que je veux dire c’est que Justin a toujours été très abordable et n’a jamais hésité à partager ses “secrets” avec moi. Même si le fait de mentionner deux fois (et maintenant trois fois) qu’il a peur de l’eau a pu passer pour de la moquerie. Mais ce n’était pas le cas. En relatant ce fait sur Justin, j’essayais de montrer, de manière indirecte, que Justin est très transparent. 

Lorsque Justin a décrit son expérience avec Roventa Henex, ça m’a rappelé ma propre expérience dans une clinique privée de New York. Vous savez, le type de clinique qui exige aujourd’hui une cotisation mensuelle pour que nous puissions bénéficier de ce que nous considérions autrefois comme des services de base – de la gentillesse et du professionnalisme. Alors que Justin a été moqué par le fabricant de Hong Kong, il a été accueilli à bras ouverts par Roventa Henex. Ce dernier est un fabricant suisse de montres de marque privée qui fabrique des pièces et assemble des montres. Comme nous le verrons plus loin, le premier modèle de la marque a été plutôt bien réussi.

Un peu plus sur Justin 

Je pense que je dois à Justin de parler un peu plus de lui avant de parler du premier modèle qu’il a sorti, la Skin Diver. Parce qu’en voyant les photos de cette montre, on croirait qu’elle a été créée par un designer accompli, et non par quelqu’un qui a lancé sa marque récemment, en 2020. Comme nous le savons, Justin a conçu des montres depuis un certain temps, mais il y a un monde de différences entre concevoir une montre pour le plaisir et concevoir une montre avec l’intention de la faire fabriquer. Cependant, grâce à ses années d’expérience en tant qu’horloger, Justin était convaincu qu’il en savait suffisamment sur l’aspect mécanique des montres pour se lancer. 

Et oui, Justin vit maintenant au milieu du désert et ne fait pas de plongée. Mais il a toujours été attiré par le côté pratique des montres de plongée ainsi que leur robustesse. Elles sont, après tout, construites pour être immergées à des centaines de mètres, pour résister à la poussière et à la saleté, et pour être confortables à porter dans de nombreuses conditions. Les montres de plongée constituent la montre parfaite pour de nombreuses personnes pour ces raisons spécifiques. Et Justin trouve la lunette de plongée pratique dans la vie quotidienne, plus qu’un chronographe, pour chronométrer des événements. Je pense la même chose et j’utilise souvent la lunette pour chronométrer toutes sortes d’évènements.

Comme tous les designers, Justin a été influencé par certains modèles, dont certains lui appartiennent et d’autres qu’il a vus lorsqu’il travaillait en tant qu’horloger. Lorsqu’il a commencé sa carrière d’horloger à Kansas City, il a ressenti le besoin de posséder une vraie montre mécanique. Il s’est donc acheté une montre field Starina des années 1940 (je n’avais jamais entendu parler de cette marque auparavant !). Puis, de nombreuses années plus tard, Justin a acquis une Seiko 7s26-0030 qu’il a achetée sur eBay pour 50 dollars. Il a également développé une légère obsession pour la Rolex Submariner référence 16610. Ces deux montres ont constitué la base du langage visuel de la Marin Instrument Skin Diver : robustesse, lisibilité et simplicité. 

Justin dit qu’il voit la vie en noir et blanc. Il a également indiqué que son cerveau fonctionne en noir et blanc, ce qui signifie qu’il fonctionne de part et d’autre de deux spectres, de deux absolus. Il ne voit pas le gris et ne pense pas beaucoup en couleurs, ce qu’il reflète dans sa vie quotidienne car il porte principalement des vêtements noirs et blancs. Ce qu’il aime dans la Submariner 16610, c’est le thème classique noir sur blanc qui est extrêmement lisible et spécifique. Ainsi, lorsqu’il a entrepris de concevoir le premier modèle de Marin Instrument, il a décidé de s’en tenir à une simple montre-outil. 

D’ailleurs, le nom Marin Instrument vient de son désir de créer une série de montres-outils pratiques, prêtes à être utilisées sur le terrain.

Son premier modèle, la Skin Diver

On n’aurait pas pu trouver un nom plus simple pour une première montre : Skin Diver. Il n’y a aucune confusion quant au type de montre dont il s’agit, bien que peu de marques fabriquent des Skin Diver de nos jours. Les Skin Diver sont des versions allégées des plongeuses professionnelles – du moins, elles l’étaient autrefois – dans la mesure où elles sont moins étanches que les plongeuses ordinaires, généralement à 100 mètres. Mais Justin s’est inspiré du style, des dimensions et de l’approche ” no nonsense ” des plongeuses pour concevoir son premier modèle. Pas de leurs caractéristiques. Comme nous le savons, Justin raisonne en noir et blanc et a donc créé deux versions de la montre : un cadran noir avec des accents blancs et un cadran blanc avec des accents noirs. 

D’un point de vue technique, la Skin Diver est une véritable montre-outil. Avec ses dimensions raisonnables de 39 x 48 x 11,5 mm (diamètre x longueur x épaisseur), elle convient à la plupart des poignets et est plutôt compacte, comme une vraie Skin Diver se doit de l’être. Elle est équipée d’un mouvement Sellita SW200-1, d’une lunette unidirectionnelle à 60 crans, dont l’action me rappelle les plongeuses Sinn, et d’un verre saphir plat. De plus, elle est fournie avec un bracelet en caoutchouc qui s’adapte parfaitement au design du boîtier et qui est pratique à porter.

En examinant la Skin Diver, on remarque quelques détails uniques qui montrent l’attention que Justin a portée au design de cette montre. En particulier, la graduation de la lunette et la façon dont les 15 premières minutes sont indiquées par une ligne plutôt que par des points, ce qui facilite la lecture du temps écoulé. De même, l’alternance d’index triangulaires, circulaires et carrés permet de distinguer plus facilement les différentes sections du cadran. Vous noterez même les petites queues sur les marqueurs à 6 et 9 heures. S’agissant d’une montre-outil, le guichet de date à 3 heures est discret et, bien que beaucoup soient d’un avis contraire, je pense qu’une plongeuse doit afficher la date aujourd’hui.

Ma partie préférée de la Skin Diver est le design du boîtier. Il est anguleux et simple, sans chanfreins, et offre la quantité adéquate de détails et de fonctionnalités pour l’usage auquel il est destiné : un protège-couronne anguleux et des cornes percées. La Skin Diver est résolument une montre outil et c’est ce que Justin avait l’intention de créer. Pour lui, il est de plus en plus difficile de trouver des montres-outils adéquates qui soient sobres et épurées. Cela explique pourquoi la Skin Diver a de bonnes spécifications et n’utilise pas de métaux précieux ou de mouvements de haute gamme afin de maintenir un coût raisonnable et de rendre les montres faciles à réparer. 

À propos, la Skin Diver coûte 1.090€.

Conclusion : la renaissance des montres-outils 

J’ai emprunté la Skin Diver quelques semaines avant de m’entretenir avec Justin, ce qui m’a donné amplement le temps de me faire ma propre opinion de la montre avant de connaître son histoire. J’ai trouvé la Skin Diver très attrayante et différente des autres plongeuses que j’ai vues ces dernières années. Plus que toute autre chose, j’ai été séduit par sa simplicité. Son aspect simple et sa présence intentionnelle sur le poignet. Maintenant que vous connaissez Justin et sa façon de voir les choses, vous comprendrez peut-être mieux pourquoi la Skin Diver a cette apparence. Justin voulait créer une véritable montre-outil et je crois qu’il a réussi. Bien sûr, vous seriez plus facilement d’accord avec moi si vous voyiez la Skin Diver en personne.

Son deuxième modèle, la Fieldmaster, est encore plus une montre outil que la Skin Diver. Elle combine des complications GMT et chronographe, une lunette de plongée et un guichet de date. La Fieldmaster conserve l’ADN visuel de la Skin Diver, expliquant davantage la signification – ou plutôt l’intention – qui se cache derrière le nom de la marque : Marin Instruments. Justin aimait la sonorité du mot “Marine” et a supprimé le “e” pour ajouter “Instruments”, car il a l’intention de créer un vaste catalogue de montres-instruments. 
Pour en savoir plus sur la marque de Justin, consultez son site internet ici.