PHILLIPS : UNE PATEK PHILIPPE IMPÉRIALE Le cadeau du dernier empereur de l'Empire chinois
La maison de vente aux enchères Phillips fait beaucoup parler d’elle en ce moment en proposant dans une prochaine vente une montre Patek Philippe référence 96 exceptionnellement rare, du fait de qualités intrinsèques évidemment, mais surtout parce qu’elle aurait appartenu au dernier empereur de Chine, Aisin Gioro Puyi. Le moment pour nous de vous en dire plus sur cette grande personnalité chinoise, et vous expliquer en détails ce qui fait la rareté de cette montre.
Qui est Puyi ?
Puyi, de son nom complet Aisin Gioro Puyi, est le dernier empereur de la dynastie Qing, la dernière à régner sur l’empire Chinois (depuis 1644 tout de même). Je ne peux que vous encourager à vous intéresser à son histoire tant elle vous apprendra sur la vie de la Chine au XXe siècle, entre la fin du système féodal en 1912, alors que Puyi n’a que 6 ans et règne depuis ses 2 ans sous la régence de son père, la proclamation de la République de Chine et son enfermement dans la Cité Interdite pendant plus de 10 ans, l’influence de son précepteur anglais Reginald Johnston, ou encore sa vie au Japon avant de devenir grâce à ce dernier Chef d’État du Mandchoukouo. La guerre en fera un prisonnier des soviétiques après la capitulation du Japon, et il passera très proche d’une exécution par le Grand Timonier Mao Zedong pour les exactions commises sur des chinois lors de son alliance japonaise pendant son règne en tant que Chef d’État du Mandchoukouo. De jardinier à bibliothécaire, il redevient “normal” sous le règle du président du Parti communiste Chinois Mao Zedong. Il s’éteindra en 1967. Voilà pour le résumé.
Un personnage important pour l’histoire de la Chine impériale. Plus que de parler d’histoire aujourd’hui, j’aimerais vous présenter une rare référence de montre Patek Philippe ayant appartenu à Puyi, et qui sera mise à la vente chez Phillips Genève après un tour du monde entre Hong-Kong, New-York, Singapour, Londres, Taipei et Genève.
UNE Patek Philippe IMPÉRIALE
Commençons par la référence qui sera proposée à la vente probablement en mai. Une référence 96, nom connu chez Patek Philippe. En effet, la référence 96 chez Patek Philippe est l’essence même de la Calatrava née au début des années 1930, à une époque où l’utilisation des montres de poche reculait et la montre bracelet était encore un phénomène assez récent. Une montre dessinée par David Penney, avec une idée de pureté probablement inspirée d’une célèbre école allemande. La puissance d’un tel design réside dans son actualité, aujourd’hui encore, alors que cette référence même a été produite de 1932 à 1973. On apprécie que derrière cette évidente idée de simplicité se cache un calibre décoré à la main, dévoilant de sublimes côtes de Genève, du perlage, et des ponts anglés.
Mais la référence 96 proposée par Phillips fait partie des plus rares pièces. Elle offre à son propriétaire un calendrier complet avec l’affichage d’une triple date, le jour et le mois par guichets et la date par aiguille centrale, ainsi qu’une phase de Lune à midi, la petite seconde venant se positionner à six heures. La raison de cette rareté est tout simplement liée à l’histoire de Patek Philippe. La première montre Patek Philippe de série à présenter un calendrier perpétuel apparait en 1941 sous la référence 1526. Par conséquent, les montres compliquées avant cette date proviennent de demandes spéciales ou dans des quantités qui se comptent sur les doigts de deux mains.
Aujourd’hui, on ne connait seulement que 7 exemplaires de cette référence particulière et ses complications, cette pièce de l’empereur devenant la 8ème. Parmi les quelques exemplaires, j’ai pu retrouver notamment chez Antiquorum en 1989 une référence 96 similaire en or sortie de chez Patek en 1937 puis vendue chez Tiffany en 1940, chez Antiquorum en 1990 avec une référence 96 similaire en platine (déjà vendue plus de 1’106’250CHF à ce moment).
En 2010, on découvrait chez Christie’s une très belle référence 96 en platine également, datant de 1935, et en 2011 une référence 96 de toute beauté en or jaune. Le musée Patek Philippe de Genève compte également une pareille référence, qui contrairement à toutes celles dont je viens de vous parler possède à un ou deux petits détails près le même cadran “roulette”. Et une autre vendue en 1996 à un privé.
Revenons à nos moutons. Lors de son emprisonnement en Union Soviétique à Tchita dans le sud de la Sibérie puis à Khabarovsk dans l’extrême-orient russe, il liera des liens forts avec son interprète Georgy Permyakov. Au moment de son retour en Chine sous Mao, il aurait offert cette montre à son interprète. Une pièce qui d’après les extraits Patek Philippe a été vendue en 1937, mais on ne sait pas comment elle est venue à lui alors qu’il était Chef d’État du Mandchoukouo. Phillips nous rapporte que c’est un neveu de l’empereur qui se souvient de ce cadeau offert de Puyi à son interprète à ce moment là.
Que peut-on dire sur cette petite merveille ?
Le boitier de 30 mm a été réalisé en platine, et on peut y lire le poinçon de fabricant d’Antoine Gerlach sous la forme d’une clé avec le chiffre 4. Comment passer à côté de ce cadran secteurs argenté à la patine sublime, où l’on retrouve des chiffres arabes, dans un tour d’heure façon “roulette”couleur or rose, des aiguilles feuilles dorées et une aiguille centrale de date feuille également, noire toutefois. On trouve à l’intérieur un calibre 11 lignes réalisé à partir d’une ébauche Victorin Piguet, référence produite à la fin des années 1920. Petit aparté, Jean-Victorin Piguet et son frère Paul prenne la succession de l’entreprise de leur père Victorin (encore vivant) et fabriqueront des ébauches et mouvements à complication pour, entre autres, Jules Jürgensen (via Edouard Heuer & Cie), Patek Philippe, Vacheron Constantin, Breguet, Louis Audemars, Paul Ditisheim, Henri Golay, Audemars Piguet.
Vous pourrez retrouver dans la vente d’autres objets ayant appartenu à l’empereur Puyi, dont un très bel éventail rouge, lui aussi offert à son interprète avec, beau supplément d’âme oblige, des inscriptions sous forme de poème de la main de Puyi lui-même. On y trouve également un manuscrit de Puyi où il relate tous ses états d’âme lors de son passage en Union Soviétique.
Une montre que je vous encourage à aller observer si vous vous trouver dans une des villes traversées. Pour davantage d’informations sur ce tour du monde, n’hésitez pas à vous rendre sur la page dédiée. D’ici là, et pour s’imprégner de l’histoire de Aisin Gioro Puyi, pourquoi ne pas commencer par regarder Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci ?