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ULYSSE NARDIN Une marque, plusieurs vies.

La marque de montre Ulysse Nardin vous est peut-être familière en tant qu’amateurs avertis, mais elle fait partie des grands noms “discrets” que la Suisse peut connaître. Ulysse Nardin a eu plusieurs vie, entre le développement de la marque, ses succès jusqu’à un récent renouveau qui mérite attention et explications. Le premier des épisodes, celui-ci donc, se concentrera sur l’histoire de la marque, accompagnée des superbes pièces que j’ai pu croiser lors de ma visite au musée, le second sur les savoir-faire de la marque aujourd’hui, entre la conception de ces mouvements et la manufacture Donzé Cadrans SA, qui mérite un peu plus qu’un chapitre dans un article.

Ulysse Nardin au Locle

Renaud Hornberger, horloger et formateur pour la marque, qui la connait sur le bout des doigts jusque dans les détails historiques et techniques les plus pointus, m’a ouvert la voie à propos de l’histoire et des superbes designs que la marque a connu.

La première pièce qui m’intrigue et fait sens par rapport à l’histoire que je vais vous conter se rapporte à un Chronomètre de Marine qui trône, seul et fort, dans une vitrine.

Renaud me dit d’entrée de jeu “on l’ouvre si vous voulez”. Ça tombe bien : je le veux. On comprend alors la beauté des premières montres produites par Ulysse Nardin alors qu’il a 23 ans en 1846 et qu’il achève ses premiers Chronomètres de Marine. Le Chronomètre de Marine, c’est la pièce horlogère dont un navire ne peut se passer au milieu du XIXe siècle. Avec la précision exceptionnelle, et nécessaire, pour calculer ses caps et ne pas manquer le point B une fois parti du point A. Il serait bête de manquer le port de 50 kilomètres. À l’intérieur, l’émerveillement est à son comble : des finitions magnifiques, un système de fusée-chaîne de toute beauté permettant une précision redoutable à l’époque, encore exceptionnelle aujourd’hui.

S’en suivront évidemment d’autres innovations, rencontres et améliorations de choses déjà existantes qui donneront naissance à des montres superbes, simples ou plus compliquées. Répétitions minutes, chronomètre de poche, grâce à la rencontre spirituelle avec les travaux du grand Jacques-Frédéric Houriet (qui s’est éteint en 1830) à propos de chronométrie. Entre le Chronomètre de Marine, les chronomètres de poche civils et les torpilleurs, vous comprendrez vers où se tourne les travaux d’Ulysse Nardin à l’époque.

En 1876, Ulysse Nardin s’éteint jeune, laissant ainsi son fils qu’il a formé à la tête de l’entreprise. Sans trop de surprises, Paul-David Nardin continuera de remporter de précieux prix d’observatoire pour la précision de ses machines jusque la fin du siècle.

Les deux premiers prix aux chronomètres à bascule n°7378 et à ancre n°8081, tous les deux de M. Paul-D. Nardin au Locle; ces chronomètres, qui ne varient que de 0°27 et 0°29 d’un jour à l’autre, qui sont parfaitement compensés et ont une variation du plat au pendu assez faible, font honneur à cet atelier, dont la réputation est depuis longtemps établie.

Journal Suisse d’horlogerie, 1896

Par la suite, Paul-David Nardin innovera encore, sur le terrain des chronographes avec un brevet (numéro 54714) pour un mécanisme de contrôle perfectionné. On pense à une montre de poche à rattrapante des années 1930, à un moment où la compétition entre marques fait rage pour apporter au chronométrage sa petite pierre.

Ulysse Nardin - Chronographe Ulysse Nardin

Avant le déclenchement de la guerre, les chronomètres Ulysse Nardin seront à nouveau récompensés à Paris, Bruxelles, New-York et Zürich. C’est surtout cela qu’il faut retenir de la “première ère” Ulysse Nardin : une marque au Panthéon des fabricants de montres les plus précises du monde.

À la sortie de la guerre, on comprend qu’Ulysse Nardin va continuer à innover sur le terrain des Chronomètres de Marine, peu importe le format. En effet, la manufacture Ulysse Nardin lance 2 nouveaux calibres, le calibre M.8.100, chronomètre de marine grand format 8 jours sans fusée mais disposant d’un mécanisme à force constante et d’un échappement à détente battant la demi seconde, et le calibre M.70.F, chronomètre de marine petit format avec fusée et échappement à détente battant la demi seconde. Rien d’étonnant, quand on sait que ces besoins sont toujours importants avec le retour de la paix.

En continuant toujours dans les fabrications de haut-vol et originales, Ulysse Nardin présente en 1956, avec l’aide de l’entreprise de technologie Batori la Montre de poche Batori, utile pour la navigation aérienne, qui indique sur le même cadran, le temps solaire moyen ou temps civil et le temps sidéral, soumis tout deux au même organe régulateur.

Ces récompenses et créations sont superbes, mais malheureusement l’état de la manufacture Ulysse Nardin n’est pas brillant quelques années après la fin de la guerre. En 1963 est prononcée la liquidation du département chronométrie de la marque. On parle quand même d’un des départements qui fait la grande réputation de la marque à travers le monde. Jusqu’à la fin des années 1970, la situation de la manufacture sera en grand danger. La crise du quartz ne l’épargne pas, mais le début des années 1980 lui offre une nouvelle chance, une nouvelle ère s’ouvre.

Rolf Schnyder

Ulysse Nardin souffrira beaucoup de la crise du quartz mais va connaître une nouvelle ère salvatrice au début des années 1980. En 1983 plus précisément, Rolf Schnyder rachète l’entreprise. On pourrait presque écrire un article sur ce grand personnage de l’horlogerie tant ses passions étaient larges et diverses, s’étendant du photographe de la Chine communiste jusqu’à celui qui a développé la présence du silicium dans les spiraux. C’est peu de temps après le rachat qu’il fait la rencontre de Ludwig Oechslin, philosophe, astronome mais aussi horloger pointu. Leur collaboration offrira à Ulysse Nardin la trilogie de montres astronomiques baptisé Trilogy of Time Masterpieces avec l’Astrolabium Galileo Galilei en 1985, la Tellurium Johannes Kepler et la Planetarium Copernicus jusqu’en 1992. Des pièces qui secouent un peu quand on les voit au musée.

Vous savez comme les anniversaires sont primordiaux en horlogerie. Ainsi, 1996 célèbre les 150 ans du grand nom Ulysse Nardin et pour l’occasion le public découvre deux pièces très importantes, puisqu’elles vont guider le style des créations de la marque. J’ai nommé la Marine Chronometer 1846 et la Perpetual Ludwig.

Le passage au troisième millénaire va lancer dans l’océan Ulysse Nardin un fil qui va guider la marque jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à finalement prendre le dessus et devenir le nouveau visage de la marque. Son nom ? Freak. Le mot peut paraitre étrange, et il l’est quand on connait sa signification mystérieuse et presque répugnante. Un peu comme si on avait fait une montre à l’effigie du bossu de Notre-Dame. Pour faire simple : le mouvement, en rotation constante, est le module qui affiche l’heure au sein de la montre. Vous cherchez une couronne ? Il n’y en a pas. Des aiguilles ? Devinez.

S’en suivront déclinaisons et pièces de haute-voltige, musicales parfois, tourbillonnantes d’autres. La Freak va devenir le support de nombreuses idées chez Ulysse Nardin.

L’autre date qui nous intéresse n’est autre que 2006. Juste 10 ans après la célébration du 150e anniversaire de la marque, Ulysse Nardin présente le mouvement UN-160, premier calibre de base à remontage automatique entièrement conçu et fabriqué par la marque. Une évolution qui se tourne donc vers une intégration beaucoup plus forte de la façon de toutes les pièces qui composent les mouvements. En parlant d’innovation, Ulysse Nardin lancera l’année d’après un nouvel échappement Dual composé de silicium et de diamant, toujours poussé par Rolf Schnyder et sa passion pour le matériau.

2011 marquera la fin de l’ère Rolf Schnyder avec la disparition de ce dernier. L’entreprise doit désormais compter sans celui qui lui a redonné l’énergie nécessaire pour ne pas mourir dans les années 1980. Mais 25 années de Rolf Schnyder sont suffisantes pour insuffler à l’entreprise un dynamisme nouveau.

En 2012, Ulysse Nardin présente un mouvement pilier de ses prochaines créations : le calibre UN-118. Au même moment, l’émailleur Donzé Cadrans SA passe sous son giron, mais cela est une histoire dont je vous parlerai en détails à la rentrée.

Si vous avez déjà entendu parler d’Ulysse Nardin récemment, il se peut que cela ait eu lieu pendant son rachat par Kering en 2014. Les choses se remettent vite en route, notamment avec la présentation l’année suivante d’une belle innovation, celle du UlyChoc, qui vient simplifier et améliorer l’antichoc traditionnel.

2016 marque une année d’anniversaires. Celle des 170 ans de la marque, et celui, plus jeune, des 15 ans de la Freak et des 20 ans de la Marine Chronometer. Pour l’occasion de cette farandole d’anniversaires, la marque présente la Marine Chronograph Annual Calendar dotée d’un nouveau calibre UN-153 et le Marine Tourbillon Grand Deck, incroyable pièce avec sa bôme, ses nano fils et bien entendu son tourbillon.

Si j’ai tant parlé de la Freak auparavant, ce n’est pas un hasard. Freak prend du grade en 2018 et devient une collection à part entière. Freak Vision et Freak Out font parler d’elles. En même temps, comment ne le feraient-elles pas ? Pas de couronne, pas d’aiguilles et maintenant un tourbillon. En 2020, Ulysse Nardin va encore plus loin dans cet espace en explorant la lettre X et proposant ainsi une version plus accessible de la Freak ainsi que la Skeleton X qui, comme son nom l’indique, dévoile un bel ajourage du cadran et du mouvement.

Dernièrement, nous avons entendu parler d’Ulysse Nardin pour la très spéciale Freak S et ses 45 mm de diamètre qui nous dévoile, sous la forme d’un petit engin spatial tout droit sorti de la Guerre des Étoiles, tous les savoir-faire actuels de la marque sous forme d’un double oscillateur, l’utilisation de l’échappement dual, ainsi que du silicium et du diamant.

Ulysse Nardin Freak S

Le tour du musée était (presque) terminé. Et comment ne pas parler d’Ulysse Nardin sans évoquer ses travaux dans l’univers des montres érotiques ? Des dessins exceptionnels de Manara (sans oublier celles qui les réalisent) en passant par les coups de folie des horlogers et leurs automates coquins, je vous laisserai ici admirer quelques belles réalisations.

Voilà pour ce premier coup d’oeil dans la serrure Ulysse Nardin.

Comment résumer Ulysse Nardin ? Une marque connue et reconnue pour sa grande puissance en matière de chronomètres et donc de précision horlogère pure, qu’il s’agisse de chronomètre de Marine comme de montres plus petites. La deuxième vie de la marque aura lieu sous l’ère Rolf Schnyder où on entrevoit déjà tout ce qui va faire l’identité de la marque aujourd’hui. Des créations complexes, de la poésie, mais aussi la Freak. Avec la disparition de Rolf Schnyder, la marque a réussi à poursuivre le travail effectué et s’engage maintenant pleinement dans un style évolutif mais fidèle que je laisserai à chacun le plaisir d’apprécier.

Une marque qui s’est aussi récemment affranchie du groupe Kering, avec un rachat de la part du management et l’arrivée à sa tête de Patrick Pruniaux. Les choix sont, et seront donc indépendants, en continuant d’évoluer avec toutes les “ères” dont Ulysse Nardin est constituée ces dernières années, fruit d’un héritage un peu plus long que cela, vous l’aurez compris.

J’aimerais finir par un clin d’oeil à Ulysse Nardin lui-même, et en particulier à un de ses livres de comptes où l’on peut lire

Papa m’a prêté ff500 soit pièces de 5f100

Ulysse Nardin, 1846
Ulysse Nardin - Livre de comptes

Nous rappelant qu’Ulysse Nardin n’avait que 23 ans quand il développe avec l’aide de son père l’activité d’horlogerie. Un beau nom, une belle réussite, et une marque qui mérite qu’on se penche dessus un instant.

Rendez-vous au prochain épisode pour vous parler conceptions, usinage et savoir-faire.

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