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records en Ventes aux enchères

records en Ventes aux enchères Les raisons de tels emballements

Les 5 et 7 novembre 2021 derniers, la maison de vente aux enchères Phillips a été témoin d’un évènement extraordinaire. Celui d’une vente historique avoisinant les 70 millions de Francs Suisses. Des organisateurs évidemment très heureux, et notre envie de partager avec vous le ressenti général, en ayant passé un moment avec Tiffany To, Senior International Specialist et Arthur Touchot, International Head of Digital Strategy & Specialist autour des différents points chauds de cette vente. Le moment pour nous d’analyser aussi ce qui se cache derrière la forêt aux arbres luxuriants.

Phillips : vente des 5 & 7 novembre 2021

Pour ceux qui n’auraient pas forcément suivi cette vente, la majorité des pièces présentées étaient superbes. Ce qui est d’ailleurs désormais le créneaux de la maison Phillips, qui même si elle reçoit plusieurs milliers de demandes d’estimation et de mises en vente, ne doit sélectionner que les pièces les plus folles. De magnifiques pièces, donc, près d’une dizaine de A. Lange & Söhne, comptant un Datograph et une Lange 1 Lumen, en passant par de grands classiques Patek Philippe, parmi lesquels une référence 3939 tourbillon et répétition minute ou encore le chronographe calendrier perpétuel 5204, sans compter un bon nombre d’œuvres d’indépendants. Bref, une vente qui, en écrémant dès le départ, ne proposait que du très très lourd.

Puis il y a eu la vente accompagnée de résultats qui ont très largement dépassés les objectifs les plus hauts. Des résultats que l’on comprend parfois, d’autres qui nous laissent songeurs…

Je pense par exemple à cette superbe Omega 2915-1 à la patine du cadran “confiture de lait” estimée entre 80.000 et 120.000 CHF pour finir à 3.115.500CHF. Probablement une bataille d’égos entre quelques potentiels acheteurs après le million symbolique, puisque il y avait encore quelques “players” à se disputer la belle au dessus de 1 million d’euro, ce qui est assez dingue quand on sait que ce genre de référence n’avait jamais atteint de tels sommets. Concertant le coup de marteau final au-dessus des trois millions il y aurait probablement eu aussi (et de source d’un confrère du métier) une “entente” entre un vendeur et un acheteur.

A titre de référentiel, on se souvient chez Antiquorum lors de la vente de Hong-Kong d’avril d’un superbe exemplaire de la même référence vendu aux alentours de 130.000€. Également, en ce mois de novembre 2021 une autre référence 2915-1 en bel état partir pour 57.500 CHF.

Comment expliquer donc un tel écart de prix (3 Millions de Francs Suisses) entre une vente et une autre ? Une patine sigulière ? Je ne pense pas. Mais il faut parfois accepter de ne pas aller chercher trop loin…

Ventes aux enchères : des profils d’acheteurs différents

Tiffany et Arthur remarquent surtout que le nombre de collectionneurs, avec de nouveaux profils, est en hausse, avec une présence de 2300 inscrits sur le total des lots.

Des profils classiques, certes, mais aussi de plus en plus de jeunes, autres “crypto guys” et nouveaux entrants qui s’intéressent aux montres sans forcément accumuler savoir et connaissances. Internet et les réseaux sociaux que nous connaissons tous ont évidemment aidé, et la crise que nous traversons n’a jamais mis autant en avant les montres comme valeur refuge.

Dans cette population d’acheteurs, la maison de vente note évidemment la présence de quelques sociétés d’investissement et plus généralement d’investisseurs qui achètent des pièces dont la valeur augmentent ou représente une chance de gain. Dans de très rares cas seulement, et notamment pour un acteur en particulier du secteur, un schéma se dessine : une montre stratégique est “lâchée”, le fond mise gros dessus pour s’assurer que la cote des autres suive le même dessin. Un pari très risqué, quand on sait les sommes qui sont en jeu, et des résultats qui peuvent parfois ne pas avoir l’impact souhaité sur le reste. Déconseillé, donc, la diversité d’intérêt et de pièces reste un choix plus intelligent.

Les montres vintage restent assez prisées par les collectionneurs classiques, quand les investisseurs s’intéressent à des pièces plus récentes, surtout.

Tiffany et Arthur notent que, ces dernières années, les maisons de vente et le marché de l’horlogerie de seconde main de manière générale ont vu leurs acheteurs progressivement changer. Au début, les musées et marchands étaient largement représentés dans ces acheteurs, même si quelques collectionneurs trainaient les yeux par-ci par là avant de laisser leur place ces dernières années et en grande majorité à des acheteurs privés. Rien d’étonnant quand on sait aussi que les informations se diffusent par de nombreux canaux.

F.P. JOURNE et les horlogers indépendants

Nous avons aussi, pendant cette vente, tourné notre regard vers la marque F.P Journe dont nous vous parlions récemment. La vente de nombreuses pièce “numéro 1” des premières séries de souscription a déchaîné les passions.

Ces montres s’adressaient clairement à un milieu de collectionneurs, pour lesquels les pièces portant le numéro de série 1 des montres à souscription F.P Journe sont considérées comme de véritables œuvres d’art par leur unicité et leur sens profond. La vente avait tout de même le privilège de rassembler 5 montres de cette catégorie, qui ont toutes fait de beaux résultats, surtout un Chronomètre à Résonance en platine et or rose qui a atteint les 3.902.000 CHF pour une estimation haute de 400.000 CHF. Et sans oublier le Tourbillon Souverain à 3.539.000 CHF.

Fait assez cocasse, le lot qui vient après les 5 montres de souscription (lot 143) n’est autre qu’une belle et sobre boite en bois réalisée pour le collectionneur qui possédait les pièces de souscription portant le numéro 1. Une boite qui au choix serait offerte à l’acquéreur des 5 montres de souscription de la vente, ou sinon mise au enchère et dont le résultat serait reversé à l’association Monégasque contre les Myopathies. C’est ce dernier cas qui s’est produit, et la boite s’est vendue…100.800 CHF pour une estimation haute de 1.900€.

Des résultats qui, même s’ils sont en accord avec la rareté des pièces proposées, sont hallucinants. Même si des collectionneurs se trouvent probablement dans les acheteurs, la spéculation tient forcément une place d’importance, et les intérêts qui se cachent derrière gigantesques.

De manière générale, il semble que l’attirance de certains acheteurs se tourne de plus en plus vers les horlogers indépendants. Dans cette vente par exemple, une exceptionnelle montre grande et petite sonnerie Philippe Dufour, dont le mouvement portait le numéro 1, et estimée entre 1 et 2 millions de Francs suisses, a terminé sa course à 4,7 millions de Francs. Deux montres signée Voutilainen, quelques De Bethune, et une montre Ludovic Ballouard se sont également très bien vendues, bien au-delà des estimations hautes.

Conclusion

Hormis quelques exception, toutes les pièces de cette vente sont parties bien au-dessus de leurs estimations haute. Et cela a forcément contribué à faire augmenter de manière évidente les pièces et marques concernées sur le marché secondaire.

Ce qu’il faut retenir d’une telle vente et des autres ventes à venir, qu’elles se déroulent chez Phillips ou ailleurs, est que les profils des acheteurs ont énormément évolué. Si les pièces récentes des horlogers indépendants deviennent de véritables graals, les montres anciennes jouissant évidemment toujours d’un intérêt et d’une cote soutenue. Ces dernières cependant ne sont pas encore ciblées par ces mêmes acheteurs qui ne comptent plus leur argent, mais pour combien de temps ?

Il est essentiel aujourd’hui en revanche de se poser certaines questions. Celle d’une “bulle” prête à exploser en vol sur les montres moderne est bien évidemment sur le bout des lèvres de beaucoup. Mais dans le cas d’une bulle, quel pourrait être dans notre cas le déclencheur ? La question du rapprochement certain entre le marché de l’art et celui de l’horlogerie également. Une situation à notre sens plus problématique qu’autre chose qui risque sans aucun doute d’empirer… la suite aux prochains épisodes.

Un grand merci à Arthur et Tiffany de la maison de vente Phillips pour leur oeil et leurs quelques insights toujours précieux.

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