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Bill Evans Icone de style

A quelques semaines du quarantième anniversaire de la mort de Bill Evans, il est bon de revenir sur le style de cet immense pianiste qui aura laissé son empreinte non seulement dans l’univers du jazz, mais également dans celui de l’élégance masculine. Une immersion dans le New-York bouillonnant des années 50 et 60.

La naissance du cool

Les grands courants musicaux ont chacun, avec plus ou moins de bonheur, enrichit durablement le vestiaire masculin. Si on pense instinctivement aux mouvements rock ou hip-hop, le jazz a été et continue d’être une source d’inspiration non moins importante. Son style vestimentaire s’articule autour du même principe que sa musique, qui est l’altération de la structure classique. L’anticonformisme y a également joué un rôle important.

On y retrouve donc des costumes ou des vestes sport et des souliers en cuir, mais les coupes et les matières apportent un contrepoint, une dissonance intéressante.  « Classic with a twist » dirait-on aujourd’hui. Surtout, une notion nouvelle émerge, un adjectif venu d’Outre-Manche intimement lié au monde du jazz : le Cool. Incarnant parfaitement ce style classique emprunt de décontraction et de nonchalance, les immenses Miles Davis et Chet Baker sont probablement les jazzmen au sujet desquels on a le plus écrit. 

Le premier pour ses tenues, le second pour sa « gueule ». Mais se limiter à ces deux noms serait oublier entre autres le pianiste et compositeur américain Bill Evans, à mon avis l’un des plus élégants jazzmen de la seconde moitié du vingtième siècle, tragiquement disparu en 1980. 

En 1954, l’émergence du jeune Bill Evans

Né à Plainfield dans le New-Jersey en 1929, Bill Evans commence à se faire connaître à son retour de l’armée, en 1954. Les premières photos du pianiste sont saisissantes, empreintes d’une élégance nonchalante, simple, presque sans faire exprès. Ce qui fascine également, c’est l’allure féline qui semble mouvoir le personnage. De silhouette fine et de taille plutôt grande, Bill Evans balade ses mains sur son piano avec une grande aisance, quand elles ne tiennent pas son éternelle cigarette.

Pour compléter le portrait de l’artiste, il faut également noter que Bill Evans, toujours impeccablement peigné — du moins jusque dans les années 70 — porte des lunettes Browline, emblématiques des années 50 et 60, qui encadrent un regard laissant deviner la grande sensibilité de l’artiste.  

Le style Ivy et le jazz, un mariage d’amour

S’il a de l’allure donc, Bill Evans a également du style. Originaire de la côte Est et vivant désormais dans le bouillonnant New-York des années 50, c’est naturellement qu’il va adopter la mode dont tout le monde parle à l’époque, le fameux style Ivy League. Né sur les campus des prestigieuses université américaines, notamment à Yale, son nom est une référence au lierre (« Ivy » en anglais) dont sont parés leurs murs en brique.

Bill Evans, une icone de style - Ivy League
Le style Ivy porté par des étudiants américains, adopté par Miles Davis et Bill Evans (Droits Réservés)

Il est d’abord l’apanage de jeunes étudiants WASPs, dont le sens de l’ironie et de l’impertinence ainsi qu’un fort sentiment communautaire serviront à jeter les bases du vestiaire Ivy. Bien plus codifié qu’il n’y parait, avec ses marques emblématiques (Gant, J Press, Brooks Brothers, Weejuns…) et ses gimmicks d’initiés (ainsi par exemple, si la boucle en tissus dans le dos de la chemise est coupé, cela signifie que son propriétaire est en couple), il trouvera néanmoins un écho important au sein de la scène jazz de l’époque, Miles Davis et Bill Evans en tête. 

L’élégance simple de Bill Evans

Revenons à notre pianiste donc. Il porte des sack suits en tweed à l’épaule naturelle et des vestes au boutonnage « deux et demi » (le bouton du haut est caché dans le revers), souvent de chez Brooks Brothers d’ailleurs, avec leurs fameux poignets à deux boutons. Il affectionne les cravates à fines rayures, maintenues en place par une pince discrète.

Pour les sessions en studio, il porte parfois un simple cardigan. Ses tenues sont à l’image de sa musique : empreinte de culture classique et de nonchalance, mais dénuée de tout superflu. Ses influences musicales étaient d’avantage Chopin et Debussy que le stride dévastateur de Fats Waller. Créateur génial du fameux Interplay, structure instaurant une égale importance au sein du trio batterie-piano-contrebasse, on retrouve dans le style de Bill Evans le même équilibre à travers le trio veste-chemise-cravate. Ni trop (les accessoires en tout genre, les bijoux voyants…) ni trop peu (le T-shirt blanc de Chet Baker par exemple), voilà probablement la raison première de l’élégance si actuelle de Bill Evans. 

Bill Evans, une icone de style
Bill Evans (Droits Réservés)

La seconde, plus subjective mais non moins prépondérante, tient à la personnalité du musicien. Dès les premiers enregistrements on sent chez Bill Evans une grande sensibilité, qui prendra même des accents clairement mélancoliques à partir de 1959 et de l’avènement du Bill Evans Trio. Le mythique « Kind of Blue » sur lequel il joue au côté de Miles Davis cette année là annonce déjà un esprit torturé, anticonformiste, anxieux, qui le conduira tragiquement à sa perte en 1980. Sa reprise de « Theme from M*A*S*H » en 1977 en est probablement la plus belle superbe illustration. Si ce trait de caractère transpire dans sa musique, c’est vrai également pour son style, et c’est de là que vient, en partie, le charme de l’élégance de Bill Evans.

Ses vêtements, symboles d’une élite sociale et intellectuelle que l’on imagine (peut-être à tort) heureuse dans l’Amérique d’après-guerre, sont d’autant plus forts sur les épaules d’un homme guidé par ses émotions contradictoires. L’ombre et la lumière en un seul homme. Sur le papier, ses choix vestimentaires sont ceux du cadre supérieur de bonne famille de l’époque et du lieu, et s’ils sont de bon goût, restent relativement ordinaires, presque anonymes. Mais, et c’est heureux, à la fin du compte, l’élégance est au moins autant une question d’attitude que d’harmonie des motifs ou de grammage du tissu, et Bill Evans vient nous le rappeler brillamment. 

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