Passion horlogère : Mais d’où nous vient cette maladie ?

Passion horlogère : Mais d’où nous vient cette maladie ?

“Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion” disait Saint-Augustin (philosophe romain du Ve siècle). Je pourrais donc arrêter net ici le fil de ma pensée, en avançant qu’il vaut mieux avoir une passion et s’y perdre que ne pas en avoir. Mais jusqu’où peut-on parler de passion dans l’horlogerie sans parler de maladie ? Et surtout, question plus épineuse, à laquelle les amateurs d’horlogerie doivent souvent répondre : d’où vient cette passion ?

Au commencement était…

La famille

À mes yeux, la contagion s’effectue souvent par trois canaux principaux : la famille, les amis, et soi-même.

Bien souvent les prémices de la passion horlogère proviennent d’un membre de la famille. Qu’il s’agisse d’un héritage, il n’y a plus belle transmission que la montre d’un être cher, puisqu’une partie de la personne vit au travers de la montre transmise, ce qui lui donne souvent la valeur que nous lui affectons tant. J’ai une pensée pour le chronographe Universal Genève ayant appartenu à Joseph, grand-père de Gabriel, par lequel tout a commencé…

Mais parfois un membre proche de la famille, notre papa en général, ne peut parler sérieusement d’éducation de ses petites têtes blondes sans transmettre l’amour des belles pièces horlogères. L’idéal. Et quel émoi cela doit être quand on voit que notre descendance commence à acquérir le goût de ces pièces d’histoire et de technique qui nous font vibrer. Je vous en reparle dans quelques années…Ça ne doit tout de même pas être facile d’entendre son fils dire : “Papa, je peux t’emprunter ton chrono Bi-Compax pour aller à l’école ?”… Et à vous de répondre, la gorge nouée mais l’air faussement détendu et calme pour lui témoigner votre confiance : “Certainement mon fils (ou ma fille), certainement… 

L’amitié

Les amis sont aussi parfois les personnes qui nous mettent le pied à l’étrier en terme d’horlogerie. Tout commence par une remarque entres hommes qui aiment les belles choses, “sympathique ta montre”. Quand vous êtes entre amis, de longue date ou non, les passionnés sont souvent pendant quelques instants des bêtes curieuses, on se demande avec intérêt d’où peut venir une telle passion, et on prend plaisir à observer l’éclat dans leurs yeux quand ils en parlent avec autant de sensibilité qu’ils pourraient parler d’une histoire d’amour… #Guilty.

En tant qu’amoureux d’horlogerie, tout comme certains amis passionnés, je me sens investi comme d’une mission divine, quand une personne commence à s’y intéresser, ou au contraire quand la vision d’une personne sur l’horlogerie est biaisé ou réductrice. Il faut parfois ramener certaines personnes dans le droit chemin tels des bergers Suisse. Amen.

Le moi

Mais, ils sont nombreux les passionnés “autodidactes”. Certains surpris quand ils découvrent qu’une montre fonctionne autrement qu’avec une pile plate. D’autres, intéressés par l’histoire de manufactures historiques, et de personnages icônes qui ont possédé des montres passionnantes. D’autres encore sont touchés par l’architecture et la conception de ces montres. Une expérience de sensibilité, une histoire d’émotions, dans tous les cas. L’amour de l’horlogerie naît souvent d’une certaine sensibilité à la technique, d’une certaine stupéfaction devant les années de travail qui sont nécessaires afin de développer une nouvelle complication, par exemple. L’émotion et l’admiration peuvent alors naître. Les conditions sont réunies.

L’environnement

Un grand nombre de personnes qui s’intéressent de près au monde de l’horlogerie, sans être forcément “Passionné / Addict”, l’est devenu par des chemins différents de ceux cités auparavant. Vous savez que la sphère de l’horlogerie est liée d’une manière presque fusionnelle à bien d’autres univers.

L’automobile en est le parfait exemple. Comment ne pas être sensible à l’horlogerie à la vue de splendides carrosseries réalisées par des Moretti, Pourtout, Bugatti, ou à l’écoute de moteurs de plus en plus techniques au fil des années ? De surcroît, il me semble que certaines manufactures sont bien visibles sur tous les circuits automobiles,  pour qui elles sont souvent les principaux sponsors.

De même, quand on parle d’habillement, qu’il s’agisse de bespoke ou de prêt à porter, la montre est le détail à ne pas oublier, elle est ce détail d’une grande importance qui vient confirmer les goûts de la personne qui l’arbore.

Une passion pathologique ?

Si le mot “passion” a été utilisé par certains pour traduire l’engouement d’un grand nombre de personnes pour un domaine ou certains objets, c’est justement pour éviter de parler de maladie. Car la passion possède en soi un aspect pathologique, dans l’observation chez ceux qui adorent les montres de comportements qui les dépassent. Ils peuvent s’en rendre compte mais agisse toujours du côté de leur passion. On ne parlerai pas de “Compulsion horlogère impulsive” autrement.

Il y a d’un côte des individus qui sont passionnés par l’horlogerie mais qui la vivent de manière très intime, qui ont évidemment une sensibilité pour ce monde, sans en faire un axe important de leur vie. Ils ne vont pas forcément le mettre en avant en société, afin de savoir si d’autres passionnés sont présents, car bien souvent ils peuvent être surpris du regard des autres sur cette passion qui, pour l’avoir vécu comme certains, est parfois mal vue. Au-delà de cet aspect, cette passion est simplement leur jardin secret.

D’un autre côté, il y a d’autres amoureux de l’horlogerie qui ne peuvent contenir le plaisir qu’ils ont à adorer les montres. D’une part ils aiment en parler et cherchent des personnes pour aborder le sujet, et ils aiment à changer les avis parfois tranchés des gens sur la question, ou alors à ce que les gens s’intéressent à ce qu’eux considèrent comme indispensable.

Dans les deux cas, les comportements peuvent être symptomatiques quand les passionnés achètent sans cesse, et sans raison parfois, ce qui peut s’appeler ” compulsion horlogère impulsive”. Ils voient une montre, qui leur plaît immédiatement, comme beaucoup d’autres pièces, et ils se disent qu’ils ne peuvent passer à côté. Et là, c’est le drame. Comme dans tous les domaines, évidemment les extrêmes ne sont jamais souhaitables…

La passion horlogère peut donc nous assaillir de toute part, et naître rapidement, sans pouvoir disparaître de la même façon (et c’est tant mieux…). Cette passion peut être le fruit d’un précieux héritage, d’une grande amitié, ou d’une grande sensibilité tout simplement. Je la qualifierais donc de passion noble, dans la mesure ou elle est un véhicule de belles valeurs. Après tout, une montre reste le témoin d’un moment vécu, ou non, ce qui en fait tout son charme. Un moyen de vivre d’une manière très personnelle les grandes aventures dont elles ont été les acteurs ou les témoins.

Une bien belle passion…

partager cet article

Quitter la version mobile
Quitter la version mobile