Réflexion : Mais pourquoi sont elles toujours aussi grosses ?

Réflexion : Mais pourquoi sont elles toujours aussi grosses ?

Avant que l’on me jette la première pierre en lisant le titre de cet article, je précise tout de suite que je parle évidemment de nos montres, et pas de vous Mesdames, ni de l’épaisseur des tranches de jambon chez votre boucher. A l’heure de la miniaturisation et des nano-technologies, comment ce fait-il que la taille de nos montres-bracelet ne diminue pas ? Pire, elle augmente ! Nous allons essayer d’apporter quelques éléments de réponse à ce questionnement  qui nous taraude chez Les Rhabilleurs depuis quelques jours :


“Quelle est la taille idéale d’une montre-bracelet ?”


Depuis la première montre-bracelet pour femmes de Patek Philippe en 1868 et sa démocratisation pour nous, les hommes, en 1904 par Louis Cartier pour son ami le célèbre aviateur brésilien Alberto Santos Dumont, la montre-bracelet a connu des révolutions de taille. Cette taille, justement, n’a cessé  d’évoluer. Alors que les montres-bracelet des années 20 dépassaient rarement les 34mm, elles se sont agrandies dans les années 40 et 50 pour atteindre jusqu’à 37 voir 38mm.

Les années 60 et 70 ont quant à elles assistées à la naissance et au développement de certains divers et chronographes aujourd’hui légendaires aux dimensions de 40mm (Submariner) à 42mm (Speedmaster). Des années élégantes pour des montres aux dimensions élégantes.

NDLR : Pour les deux du fond qui sourient bêtement en regardant l’heure sur leur smart-phone et qui pensent que quelques millimètres ne changent pas grand chose, je leur répondrais simplement ceci : “Ça change tout”. Quelques millimètres sur la taille d’une boîte, c’est une différence aussi énorme qu’une fraction de millimètres sur la longueur d’un index où le positionnement du compteur des minutes. S’il est un art des proportions où chaque fraction de millimètre à son importance, c’est bien celui du design horloger. Cette précision, cet art du détail, fait la différence entre une montre équilibrée qui peut devenir iconique si les vents sont favorables, ou rester quelconque et inintéressante. Vous avouerez qu’en terme de destinée, ce n’est pas exactement la même chose.

Hors on constate depuis le début des années 2000 que nos montres continuent à s’empâter. 43mm (Tag Heuer Carrera), 44mm (Panerai Luminor), 45mm (Omega Seamaster PO), 46mm (Bell & Ross BR-01), 47mm (Panerai Radiomir), 48mm (IWC Big Pilot Top Gun), 49mm (Breitling GT3) et même 50mm (RM 11-02). Et ça continue à grimper chez les marques “mode” mais ça ne m’intéresse plus. Lorsqu’on à dans les mains une “montre-bracelet” de 60mm de diamètre et à l’entre-corne de 28mm qui pèse 499g, on se dit qu’on touche le fond et que l’âge d’Or d’un certain art de vivre qui prônait l’élégance subtile, n’est plus.

Ce qui me ramène à notre questionnement d’origine qui peut avoir plusieurs explications. Nous considèrerons tout d’abord l’aspect technique, pour nous intéresser ensuite à l’aspect sociétal et à la valeur sociale de nos garde-temps.

L’aspect technique :

Mettons les choses au clair tout de suite sans même forcément rentrer dans les détails. Depuis le début du siècle nous savons faire des mouvement mécaniques qui ne dépassent pas les 30mm, même bien en deçà, et depuis 1957 et l’avènement du calibre 9P par Piaget (2mm d’épaisseur) nous réalisons même des mouvements extra-plats. Nous n’avons donc pas attendu l’arrivée des clés USB pour miniaturiser nos mouvements, et je ne parle même pas d’un mouvement quartz “de base” qui ne nécessite qu’une petite pile fixée sur un circuit imprimé.


Conclusion :
“Si vous n’êtes pas dans l’obligation de réutiliser un vieux stock de mouvements d’horloges de table,
la taille du calibre n’est pas une excuse pour dessiner des boîtes de 50mm.”


Aspect technique et utilitaire toujours, revenons à la fonction première d’une montre bracelet, qui est de donner l’heure en regardant son poignet. À part pour nos amis les mal-voyants, qui utiliseront un dispositif adapté, où un Body-builder qui aurait des avant-bras plus épais que mes cuisses, une boîte de plus de 42mm n’a aucune nécessité fonctionnelle.

Notez que nous ne parlons pas ici de certaines montres-outils, plongeuses en tête de liste qui peuvent requérir un cadran d’une certaine taille pour faciliter la lecture de l’heure dans l’obscurité des fonds-marins. Ne mélangeons pas tout.

Si ce n’est pas technique, comment expliquer l’indécence grossière de tant de pièces ?

La valeur sociale de nos garde-temps :


“T’as pas de Rolex à 50 ans, t’as raté ta vie.”  
Jaques Séguela


Cette remarque de Jaques Séguela en 2009 à un journaliste de France 2, alors que la France en crise peinait à joindre les deux bouts a créé des réactions fortes, évidemment. On ne peut bien sûr réduire la réussite d’un individu à la possession d’une montre “de luxe”. Cela dit ella traduit bien ce que certains membres d’une élite sociale pensent tout haut. Et cette valeur sociale, cette sorte de “carte de visite” que devient notre montre, ne s’arrête pas aux élites.

Nos montres traduisent même sans que nous le voulions, une appartenance au groupe duquel nous faisons partie ou auquel nous souhaitons nous identifier. Une Rolex pour certains, une Tissot pour d’autres. Seiko le prônait lui même dans ses publicités il y a plus de 10 ans : “C’est la montre que vous portez qui en dit le plus long sur la personne que vous êtes”. 


“It’s not your shoes. It’s not your car. It’s not your music.
It’s your watch that tells most about who you are” 
 

Seiko Watches


Si cette tournure de phrase heureuse peut paraître réductrice pour certains, ou un simple raccourci marketing, elle a clairement un fondement. Notre montre nous suit effectivement partout. Le “seul bijou de l’homme” s’invite à nos réunions, à nos dîners et jusque dans nos chambres à coucher, là où votre voiture, aussi belle et luxueuse soit elle, reste au garage.

Les montres deviendraient-elles plus grosses pour qu’on les remarque plus facilement dans un environnement devenu ultra-compétitif ? Essayerait t’on de compenser par la taille ce que l’on perd en finesse et en substance ? Quelle tristesse ! Je vous garantie pourtant qu’une Patek Philippe 3 aiguilles, une Calatrava réf. 5227 par exemple, mesurant 37mm, aura plus d’aura, de présence et vous positionnera bien plus haut sur l’échelle sociale que n’importe quelle montre “Diesel Daddy” de 60mm(Je viens de faire un grand-écart presque vulgaire, je l’avoue et m’en excuse d’avance, mais ce n’est que pour m’assurer de la bonne compréhension de certaines notions de base d’élégance horlogère que j’essaye de transmettre. La fin justifie les moyens dit-on ?)

Alors quelle est cette taille idéale ? Quelle est cette chimère ? Ce graal intemporel dont nous sommes en quête ? Elle dépend très certainement  de chacun, il en faut pour tous les goûts et toutes les tailles de poignet. Qui suis-je pour imposer mon seul point de vue ? C’est une question très personnelle. Cela dit…


Deux règles élémentaires :
“Pour  nous éviter à tous de basculer du côté obscure de la force (du non-style).”


Règle N°1 : “Plus petite que ton poignet elle sera”

Dans la mesure du possible, en fonction de la taille de nos poignets, nous ferons de sorte que la taille de la boîte, mesurée dans sa longueur (à l’extrémité des cornes) ne soit jamais ô grand jamais plus large que notre poignet. Cette règle ne peut en aucun cas être brisée, auquel cas vous tomberiez  à jamais dans les abysses de la faute horlogère. Il est très compliqué d’en revenir.

Règle N°2 : “Sous ta chemise elle se dissimulera”

Nous ferons également en sorte que nos garde-temps ne soient jamais une gène ni un encombrement. Un moyen de le savoir ? Lorsque votre chemise ne la recouvre plus aisément, ou que vous êtes obligés de la porter par dessus votre veste, façon wetsuit ou Apollo 13, ce n’est plus bon.

Respectons ces deux règles simples et nous devrions pouvoir éviter les débordements. À une période où le monde ne sait plus trop où il va, où bon nombre d’entre nous est en demande d’essentiel et de retour aux sources, il est grand temps de revenir à certaines valeurs horlogères porteuses de substance et non de “Bling“. Efforçons-nous de vivre davantage dans “l’être” et moins dans le “paraître”.

Je terminerai tout de même avec un élément de réponse chiffré, très personnel j’en conviens, à partager avec ceux qui ont eu le courage et la patience de me suivre jusqu’ici dans mon raisonnement : Entre 38mm et 42mm. Si vous restez dans cette fourchette, votre garde temps devrait pouvoir traverser les âges en se jouant de toutes les modes. Exactement, comme vous !

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