Bulgari : Quand la haute-horlogerie devient harmonie

Dans l’univers horloger, il y a la traditionnelle indication des heures, des minutes et des secondes qui permet la lecture de l’heure, puis il y a ce qu’on appelle les complications. Affichage du jour, de la date, de la réserve de marche ou ajout d’un chronographe, elles sont nombreuses et le savoir-faire pour les réaliser s’est depuis longtemps démocratisé. Viennent ensuite ce qu’on appelle les “Grandes Complications” : tourbillon, quantièmes perpétuels et répétitions minutes, que bien moins de manufactures peuvent se targuer de pouvoir réaliser en interne.

La reine de ces grandes complications s’appelle la “Grande Sonnerie” qui sonne les heures et les quarts à chaque passage au moyen de timbres accordés qui font résonner des mélodies précises à l’aide non de deux mais de quatre marteaux.

Ils sont à peine plus d’une dizaine d’horlogers au monde, doués à la fois des connaissances théoriques, compétences techniques et oreille musicale, nécessaires à la réalisation de ces pièces uniques.  Nous en avons rencontré un à la manufacture Bulgari.

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Comment Bulgari est devenu l’un des leaders de la sonnerie ?

Avant de rentrer dans le vif du sujet et de vous présenter l’un de ceux qui réalisent à la main ces prouesses, revenons un instant en arrière sur le comment : Comment Bulgari est devenu l’une des manufactures leader de cette grande complication ?

Bulgari, Roma. A l’origine un grand joailler italien, devenu marque de luxe qui inclut bien d’autres activités. Pour être tout à fait honnête, je n’ai jamais vraiment, à titre très personnel, adhéré pleinement aux montres du joailler et à ses lunettes arborant les sept lettres du logo, qui n’étaient à l’origine qu’un “objet publicitaire”. Je me retrouve pourtant aujourd’hui véritablement séduit par une Octo Finissimo automatique, dont le design unique n’est pas né, contrairement à ce que veux la légende urbaine, du coup de crayon de maître Genta, mais bien des studios de design de Bulgari à Rome. Aujourd’hui, Bulgari est une véritable manufacture horlogère intégrée qui produit ses boîtes, développe ses mouvements et fabrique ses cadrans. Comment ont-il acquis les compétences ? Vous allez comprendre.

C’est en juin 2000 que Bulgari rachète à 100% les marques Daniel Roth et Gerald Genta, deux grands noms de l’horlogerie que nous connaissons bien, ainsi que leur unité de production au Sentier : la Manufacture de Haute-Horlogerie SA. Plus qu’un pas en avant dans la bonne direction si vous voulez mon avis. Un grand pas en avant, certes, mais pas forcément suffisant. A travers cette acquisition et plusieurs autres dans la région, la marque italienne a accumulé les savoir-faire et conservé les effectifs. Avec beaucoup d’humilité, celui qui fait aujourd’hui parti du groupe LVMH n’a pourtant re-localisé aucune unité de production. “Bulgari, Manufacture de Haute-Horlogerie”, c’est aujourd’hui 4 sites distincts. Ce n’est pas idéal d’un point de vue actionnaire, c’est pourtant essentiel pour ne pas perdre les talents qui font la richesse d’une Manufacture. Well done.

C’est donc dans ces circonstances, il y a bientôt 20 ans, que Bulgari est devenue une manufacture et continue les grands travaux initiés par Daniel Roth et Gerald Genta, y compris ceux sur les Grande Sonnerie.

Non, ce n’est donc pas un hasard si Bulgari fut lauréat à deux reprises lors du Grand Prix d’Horlogerie de Genève en novembre dernier. Les savoir-faire sont présents, le design aussi. Octo Finissimo Automatique remportait donc le prix de la montre homme de l’année, tandis qu’Octo Finissimo Tourbillon Squelette se voyait décerné sa récompense dans la catégorie Tourbillon & Echappement.

Octo finissimo est toujours aujourd’hui la montre à remontage automatique la plus fine du marché, malgré la montre Piaget Altiplano Ultimate Concept watch présentée au SIHH la semaine dernière qui comme son nom l’indique n’a pas pour vocation d’être commercialisée. Belle performance tout de même, il faut le reconnaître.

Octo Finissimo Tourbillon Squelette est quant à elle la montre équipée d’un tourbillon volant la plus plate du monde, hands down, avec à peine 5mm d’épaisseur.

Comprendre la Grande Sonnerie : A la rencontre de Pascal

Parmi les hommes qui font aujourd’hui la manufacture Bulgari, il y a Pascal. Nous ne pouvons malheureusement partager avec vous aujourd’hui ni son nom de famille, ni photo de son visage. Ses compétences sont bien trop rares et les pièces uniques sur lesquelles il travaille bien trop onéreuses. Mais là n’est pas le fin mot de l’histoire.

La Grande Sonnerie est la niche de la niche, la grande complication que peu connaissent, et qu’encore moins savent réaliser. Lorsqu’une répétition minutes, grande complication de choix, sonne les heures, les quarts et les minutes à la demande, la grande sonnerie le fait à chaque passage, à la manière des grandes pendules de vos grands-parents ou de celles présentes dans les clochers des églises ou cathédrales. La prouesse résidant en la miniaturisation de ce génie mécanique jusqu’à l’obtention des notes et de l’harmonie souhaitées. Il ne suffit plus de deux timbres et deux marteaux, il en faut désormais 4 pour faire sonner les notes Mi, Ré, Do & Sol, à la manière du célèbre carillon de la l’Abbaye de Westminster.

Pascal est d’ailleurs passionné par la pendulerie, savoir faire familial qui l’amena de sa Bretagne natale à la vallée de Joux, il y a plus de 20 ans. Lorsqu’on aime l’horlogerie, la haute-horlogerie, on n’a pas vraiment le choix : on va en Suisse et bien souvent, on y reste.

Ce passionné talentueux et autodidacte dans un premier temps fait l’école horlogère et continue son apprentissage, travaille et se perfectionne sans compter les heures auprès des plus grands Maîtres-Horlogers de l’époque. Il se souvient d’ailleurs lors de notre échange, de weekends passés à l’atelier, Daniel Roth d’un côté, Philippe Dufour de l’autre. Pour un passionné d’horlogerie, c’est un peu comme s’initier aux arts avec Michel-Ange et Léonard de Vinci. Une chance qu’il estime d’ailleurs lui-même comme unique.

La réalisation d’une pièce à grande sonnerie demande environ 5 mois de travail non-stop à l’un de ces horlogers. Chaque pièce dispose d’ailleurs de la signature secrète de celui qui l’a réalisée, cachée sous un pont. Un travail de titan qui donne naissance à des pièces uniques, il y en a donc très peu. A la manufacture, on nous parle de 80 pièces sorties de leurs ateliers depuis 1992. A peine 3 pièces par an. Il n’est d’ailleurs pas rare que les collectionneurs du monde entier qui commandent ces pièces rendent de fréquentes visites à la manufacture durant cette période pour suivre l’évolution de leur pièce. L’occasion pour les plus passionnés de s’asseoir à l’établi et de partager de vrais moments humains, d’échanger et d’apprendre à connaître celui qui donnera vie à cette pièce unique.

Pourquoi cette grande complication est amenée à rester l’apanage des plus grandes manufacture ?

La grande sonnerie est sûrement la complication la plus exclusive qui existe, nous l’avons dit. Si à l’heure d’aujourd’hui “n’importe qui” ou presque peut acheter un module tourbillon dans l’empire du milieu et le monter dans une boîte, ce ne sera très certainement jamais le cas de la grande sonnerie.

En effet, polir de minuscules angles rentrants au noir, polir les marteaux en mouvements régulier pour conserver une surface parfaitement plane et surtout ajuster la longueur des timbres afin d’obtenir l’harmonieuse note désirée dépendront encore longtemps de l’intelligence de la main de l’homme, et de ce coup de lime supplémentaire, ou pas…