Breva : La grande dépression
Breva est le nom de la brise thermique qui chaque jour se lève et souffle sur le lac de Côme au gré des caprices du ciel. C’est aussi le joli nom de cette montre baromètre, ultime proposition de Jean François Mojon (fondateur de Chronode), sorcier de la complication, sous le souhait de Vincent Dupontreué, jeune sérial entrepreneur et ancien détaillant de jeans en strass. Que peut on en attendre de cette improbable rencontre, la Bréva ayant pour objet, de capter la pression atmosphérique : un anticyclone ou une dépression ? (par Nicolas Salomon*)
Montre baromètre : un serpent de mer vieux de 40 ans
Le principe en horlogerie existe depuis des lustres. Favre-Leuba, ancienne manufacture de prestige ayant mal négocié les lacets de l’horlogerie moderne, avait conçu dans les années 60, un mécanisme semblable, dument breveté.
La « bivouac », ornait alors le poignet des plus grands aventuriers, tel Paul Emile Victor. Le principe était le même, faire cohabiter une capsule anéroïde et un mouvement horloger. Il en résulte un joli cadran aux accents vintages, dans une boite de 40 mm, mais à l’épaisseur déplaisante, la capsule étant placée sous le mouvement.
Le principe reste le même, il s’agit d’apporter une double lecture d’une même mesure, la pression atmosphérique. Je rappelle que celle ci varie beaucoup en fonction de l’altitude, et moins en fonction des changement climatique. Il faut donc, deux échelles. Le problème de la Bivouac, c’est qu’elle n’avait pas prévu ces deux échelles. C’est ce que la Bréva corrige. Il y a deux ans, une marque inconnue avait fait une proposition comparable peu convaincante, la Da Vindice. Mais elle a aujourd’hui disparue.
La Bréva, une tempête dans 45mm
A la différence de la Bivouac, la Bréva a fait le choix de placer la capsule et le mouvement à la même hauteur. Ce que vous avez gagné en épaisseur, vous le perdez en diamètre. On peut valider ce choix car aujourd’hui, les 45 mm avancés n’ont rien d’anachronique, la moitié du marché en propose. Antoine Tschumi, le designer de la Bréva et fondateur de Neo Desis, a d’ailleurs réussi un travail assez équilibré.
Ce qui est le plus surprenant, c’est finalement, cette « mise à l’air » du mouvement à 16H. En effet, dans un baromètre classique, les capsules sont à l’air libres pour pouvoir capter librement les différences de pression.
Dans votre salon ou dans le carré de votre voilier, l’objet n’est pas isotherme. Par essence, dans une montre, une boite fermée sans partie déformables (comme les inserts en caoutchouc des profondimètres), la pression reste la même. Pour avoir une mesure juste, il fallait donc pouvoir faire entrer l’air au contact du mouvement. Une hérésie horlogère me direz vous, car qui dit air, dit humidité qu’elle transporte, dit faire entrer le diable dans la maison. En effet, que peut on imaginer de pire que de faire entrer 90% d’humidité dans un mouvement horloger ? A part un aimant, peu de chose.
Grand horloger, Jean françois Mojon a rapidement soulevé le problème et la contradiction. Il fallait donc trouver un palliatif. Le constructeur a opté pour un filtre, qui, nous dit on, devrait retenir l’humidité que contient l’air. Mais tout propriétaire de cave ou de bateau, sait que ce n’est pas aussi simple que ça de se débarrasser du mal. Faute de recul nécessaire, l’histoire nous dira si la solution retenue tient ses promesses, ou si le S.A.V des Bréva va devenir le premier poste d’occupation des horlogers de Chronode ! Laurent Picciotto, le fondateur de Chronopassion, qui fut un temps consulté sur ce projet, a d’ailleurs pris ses distances avec l’aventure.
Altimètre et Météo : deux mesures à corriger
L’autre apport de Bréva dans le relevé de mesure, vient du système de correction. Prenons un exemple.
Si la pression varie beaucoup en fonction de votre altitude, cela sous entend qu’en passant de zéro à 1000m avec votre voiture, alors que le temps n’a pas changé, la capsule va ressentir une différence de pression. Qui va se transmettre logiquement aux deux aiguilles, celle de l’altimètre, et celle de la météo.
L’altimètre va indiquer une bonne mesure, mais la météo une fausse. Puisque la météo n’a pas changé, mais que l’aiguille sous l’effet de la pression a bougée, il faut la remettre à sa place initiale.
De la même façon, si pendant la journée, un orage éclate, la pression va changer pour la météo, mais aussi pour l’altimètre, alors même que vous n’aurez pas bougé de votre salon. Il faut donc corriger ce changement d’altitude fictif.
Et c’est là que JF. Mojon a bien travaillé, car ce travail de mise au point des systèmes de corrections a été un casse tête pour lui et son constructeur. C’est aussi là que réside l’essentiel du coût de développement de ce type de complication, qui rend son prix de vente inaccessible au plus grand nombre.
Ainsi, si vous n’avez pas environ les 150 000 CFH demandés pour vous offrir la Bréva, et pas la patience d’attendre le retour d’expérience des premiers acheteurs, je vous invite à regarder de plus près les annonces en ligne de la Bivouac.
Pour 100 fois moins cher, environ 1500 CHF, vous trouverez de nombreuses annonces correspondantes. Certes l’avenir de Favre Leuba reste incertain, on parle d’un rachat par l’indien Titan (filiale de TATA), mais vous avez pour ce prix, une montre manufacture, qui capte la pression, et vous donne de ce fait l’altitude, comme la prenait les grands aventuriers des 60’s.
Pour la météo en revanche, il faudra vous contenter de votre appli smartphone.
Vidéo de présentation de la montre Bréva Génie 01
*Journaliste horloger pour différents sites spécialisés (lepoint.fr, l’argus des montres, le guide des montres et les rhabilleurs…), Nicolas Salomon est aussi le co-fondateur de Bréva, une nouvelle marque de haute horlogerie présentée à Bâle en Avril 2013. Consultant et réalisateur de films dédiés au luxe, il analyse toutes les semaines, l’actualité horlogère sous tous ses « anglages ».
